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Pauses by Noise

Retrouvez-nous le jeudi, pour une Pause by Noise.

Hissez haut les couleurs...

Hissez haut les couleurs...

À l’occasion de la coupe du monde de football au Qatar, c’est devenu le signe graphique qui fâche tout le monde. Les organisateurs font tout pour l’interdire pendant que les joueurs, les supporters et les médias font preuve d’inventivité pour lui donner de la visibilité. Le Rainbow Flag marque par sa présence la première semaine de compétition.

L’année dernière, la question était déjà sur la table quand le président hongrois, Viktor Orbán, avait adopté une loi homophobe interdisant toute représentation de l’homosexualité, assimilée à la pédophilie. La ville de Munich avait alors proposé d’éclairer son stade aux couleurs de l’arc-en-ciel LGBTQ+ durant le match Allemagne-Hongrie. Refus de l’UEFA au motif que le sport devait rester neutre, apolitique. 

Mais ce drapeau arc-en-ciel, ce symbole de la communauté LGBTQ+, d’où vient-il ?

Au départ, on trouve Harvey Milk, le premier homme politique américain à déclarer ouvertement son homosexualité. On est en 1978 à San Francisco, et celui-ci contacte Gilbert Baker, un ancien soldat et jeune activiste politique, pour qu’il crée un drapeau à l’occasion du défilé de la journée des libertés gaie et lesbienne.

Parmi les possibles sources d’inspiration, Gilbert Baker évoque une chanson, « Over the rainbow », interprétée dans le film « Le Magicien d’Oz » en 1939, par Judy Garland. Celle-ci deviendra très vite une icône de la communauté gay. À la fin des années 70, il n’y avait pas de signe symbolique fort fédérant la communauté homosexuelle. Au XIXe siècle, l’écrivain Oscar Wilde portait un œillet vert à la boutonnière, mais ce symbole restait trop anecdotique.

À l’origine, le drapeau comportait huit bandes de couleurs différentes : le rose vif, le rouge, l’orange, le jaune, le vert, le turquoise, l’indigo et le violet. Le 27 novembre 1978, Harvey Milk est assassiné. Un immense défilé est organisé dans les rues de San Francisco, le Rainbow Flag est dans toutes les mains. Ce drapeau va rapidement se répandre dans le monde entier.

« Même si nous ne sommes pas un pays ou une nation, nous sommes une sorte de peuple et le drapeau, dans l’utilisation qu’on en fait, donne du pouvoir, dit quelque chose, plus que le logo ou le slogan », précisait Gilbert Baker.

Pour cette coupe du Monde 2022, le Rainbow Flag est devenu le symbole de la discorde, et les réactions se sont multipliées. Les Allemands vont se couvrir la bouche tandis que les Anglais mettront un genou à terre. Le Rainbow Flag est apparu, discrètement, sur les chaussures des joueurs belges, sur les maillots d’entrainement des Japonais et des personnalités politiques du monde entier n’ont pas hésité à le porter. Autre manifestation de l’effet Garland, on n’aura jamais autant parlé du Rainbow Flag qu’en voulant l’interdire.

La vague podcasts

La vague podcasts

Qu’ils soient conçus et réalisés par des marques (relativement récemment), par des adolescents dans leur chambre ou par des conteurs professionnels, les podcasts séduisent de plus en plus d’auditeurs, grâce à une offre diversifiée, ouverte à tous les sujets, du fait divers à l’absence même de sujet !

En 2022, un Français sur trois écoute au moins un format audio par mois. Le podcast est le support idéal pour passer le temps dans les transports en commun, en préparant un dîner ou en allant courir. On le découvre, on en parle autour de soi, on le recommande comme le dernier roman que l’on vient de terminer.

En 2001, le Donjon de Naheulbeuk créé par John Lang et diffusé gratuitement sur Internet rencontrait un franc succès. Aujourd’hui considéré comme le point de départ de ce qui deviendra le podcast, en France. Et tout s’accélère. En 2002, Arte Radio lance le premier site de podcast français. Avec un slogan qui résume bien la nouvelle offre : « Nous proposons, vous piochez ! » Mais, ces années-là, l’univers du podcast reste encore confidentiel.

Et puis, en 2010, les radios institutionnelles, comme les stations de Radio France, s’y sont intéressées. Tout est allé alors très vite. Avec des podcasts replay qui mettent à disposition des auditeurs des émissions déjà diffusées. Mais également des podcasts natifs qui sont de véritables créations sonores destinées uniquement au web.

Pourquoi un tel engouement du public ? Tout d’abord, 77 % de la population âgée de 15 ans ou plus possède un smartphone. Il est donc très facile d’écouter un podcast, tout en faisant autre chose. Et au-delà de la facilité d’accès, beaucoup se disent fatigués d’une sollicitation visuelle devenue permanente et l’audio repose. L’essor définitif du podcast trouve aussi son origine dans les périodes de confinement des années 2020 et 2021.

Avec le podcast, les auditeurs ont le sentiment d’avoir une relation privilégiée avec l’hôte qui parle. Comme s’il était avec un ami. D’évidence, « l’écoute du podcast adoucit les mœurs », ajoute la directrice du Paris Podcast Festival qui a fêté, en octobre, sa 5e édition.

La rançon du succès : le podcast est devenu incontournable pour les marques. L’identité audio, au même titre que l’identité visuelle ou l’identité sonore, leur permet de dire autrement qui elles sont. Le bilan est clair. Aujourd’hui, un podcast natif sur deux est un podcast de marque.

Argument de poids supplémentaire, le podcast se mémorise bien mieux (quatre fois plus) que les autres formats numériques, et fidélise en douceur les auditeurs. D’ailleurs à propos de douceur, nous aussi nous diffusons nos podcasts… Écoutez donc noise.fr/pauses

Image animée montrant un colis en carton qui est très vite recouvert d'étiquettes rouges et blanches pour alerter sur sa manipulation à effectuer avec soin.
Le papier fait un carton !

Le papier fait un carton !

On nous a dit qu’il n’y avait plus d’huile de tournesol…la faute à Poutine. Il n’y a plus de moutarde non plus, c’est la faute à la sécheresse au Canada… et le papier, on nous dit qu’il n’y en a plus, mais sans savoir pourquoi !

Dominique Bordes, fondateur de la maison d’édition bordelaise “Monsieur Toussaint Louverture”, réputée entre autres pour ses couvertures et la qualité de ses ouvrages, se disait, il y a quelques semaines à la radio, hyper inquiet pour la rentrée littéraire. Il a même reporté certains livres à cause de la pénurie et du prix du papier qui ne cesse d’augmenter. “Et oui, nous en sommes là !”

Le papier, c’est au poids, comme chez le boucher. On achète à la tonne, donc beaucoup d’éditeurs ont déjà fait le choix de baisser le grammage, ce qui veut dire imprimer des papiers plus fins pour préserver le nombre de pages. Mais certaines revues, sont déjà en cure d’amincissement, réduisant leur pagination de 20 % à 25 %. Une pagination moindre, un papier moins épais, c’est aussi moins lourd à transporter donc moins onéreux en coût de transport... important… alors que le prix des carburants est à la hausse, à la très forte hausse.

L’ampleur des dégâts parle d’elle-même. Depuis début 2021, le prix de la tonne de papier à destination de la presse a augmenté de plus de 70 %. Le Monde, Les Echos, Le Journal du Dimanche ou Le Figaro ont répercuté sur le prix au numéro, une hausse de 20 centimes.

Sachant qu'à la fin de l’année 2023, il ne restera plus qu’une seule machine à papier journal en France, cette hausse n’est pas près de fléchir !

Pour expliquer les tensions sur l’approvisionnement et les augmentations, on a parlé du Covid, d’un ralentissement de l’activité, puis d’une demande plus forte que l’offre.

Tout cela, en fait, a été précipité par les rachats, les concentrations et la mutation des usines françaises de pâte à papier et de transformation. En 2006, les papiers à usage graphique représentaient 43 % de la production totale française et 45 % allaient aux papiers emballages. En 2021, les premiers ne représentent plus que 17 %, contre 66 % pour les seconds.

Eh oui, pour acheminer les millions de colis Amazon, il a bien fallu trouver du carton, rendant ainsi sa fabrication plus rentable que celle du papier.

En cette rentrée, les gros éditeurs ont fait des stocks et ne sont pas trop inquiets, même si le coût exponentiel du papier pèse de plus en plus lourd pour eux. Par contre, les petites maisons d’édition qui achètent le papier directement à leur imprimeur, n’ont pas de visibilité quant à la pérennité de leur production …

Viendra le temps où ils n’auront pas d’autre choix que d’augmenter le prix des livres. Ou même de ne pas imprimer du tout… comme “Monsieur Toussaint Louverture”.

Lecture ou lectures ?

Lecture ou lectures ?

Il y a toujours quelque chose qui coince avec les ados, en gros, ça ne va jamais ! Il fut un temps, lointain, où les adultes s’inquiétaient de les voir passer trop de temps le nez dans les livres. Et puis ce fut la télévision, « Tu regardes trop la télévision, tu t’abrutis ». Puis les jeux vidéo. Aujourd’hui, ce sont des adolescents qui seraient rivés H24 à leur écran de portable. « Et vous savez quoi, Monsieur ? Eh bien, les jeunes ne lisent plus ! »

Pourtant, quand on regarde d’un peu plus près, on constate que les choses ne sont pas aussi simples. Et que cela va même à l’encontre des idées reçues.

En mars dernier, un sondage commandé par la profession du livre en a étonné plus d’un. Les adolescents de la génération Z lisent plus que ceux du début du XXIe siècle. Les chiffres sont là et traduisent une vraie tendance. Alors que les 13-19 ans possèdent en moyenne trois écrans personnels (smartphone, console, ordinateur…), ils lisent plus de trois heures par semaine et consacrent treize minutes de plus à la lecture, qu’il y a six ans. « Hé oui, figurez-vous, Madame, qu’il paraît que les jeunes lisent de plus en plus. »

Alors, comment cette inversion de tendance s’explique-t-elle ? Le cas d’école, c’est “After”, le phénomène littéraire jeunesse - plus de 12 millions d’exemplaires vendus dans le monde, dont 5 millions en France -, qui est ce que l’on appelle de la romance décomplexée, un dérivé de “Cinquante nuances de Grey”.

Au départ, on a un livre qui va être adapté à l’écran. Promotion, visibilité, c’est souvent sur les réseaux sociaux que ça se passe, sur Tik Tok ou via quelques influenceurs. Un ado entend parler de la saga et regarde les premiers épisodes sur Amazon Prime Video. En parallèle, une version est déclinée en roman graphique. “After” va aussi être adapté en webtoon, des BD numériques à faire défiler sur smartphone. Souvent le point d’accroche, c’est l’identification aux personnages.

Dans un deuxième ou troisième temps, l’ado devient tellement fan qu’il va lire les cinq tomes de l’édition papier… soit 2 500 pages. C’est un schéma que l’on retrouve pour les séries qui marchent bien aujourd’hui, les fictions de l’imaginaire. Tout ce qui est dystopie, uchronie, fantasy, post-apocalyptique, là où les “jeunes lecteurs” se retrouvent dans des logiques d’évasion et d’invention. C’est ce qui avait fait le succès, il y a quelques années, des best-sellers “Twilight”, “Hunger Games”, “Divergente” ou encore “Labyrinthe”.

Pour les adolescents, les mondes ne sont pas cloisonnés, bien au contraire. On est dans des logiques de rebonds, de portes que l’on entrouvre.  “Illusions perdues”, le film de Xavier Giannoli, a donné envie de lire Balzac, résultat, en quelques mois rupture de stock chez l’éditeur qui n’avait absolument pas anticipé ce regain d’intérêt.

Cette génération d’adolescents est à l’image de son approche des supports. Elle passe de l’un à l’autre. Elle glisse, fait défiler les narrations, rebondit. Une génération insaisissable et imprévisible. Vivante donc.

Le stop du hamster

Le stop du hamster

C’est samedi soir que Alice m’a montré son téléphone portable. « Je suis super contente, je n’en pouvais plus des smartphones hyper sophistiqués… et donc voilà, je me suis acheté un Nokia 3310, un dumb phone. »

On a regardé dans le creux de sa main, ce tout petit téléphone jaune à touches, en ne comprenant pas son choix. Au début des années 2000, on avait eu un Nokia comme celui-ci, c’est un des modèles qui s’est le plus vendu au monde.

Et il fut rapidement populaire pour les SMS, car il offrait la possibilité d’en envoyer du double de la taille d’un SMS standard. On pouvait même composer des numéros à la voix, plutôt qu’au clavier. Et puis il y avait le petit plus, le 3310 proposait 4 jeux dont Snake 2 où il fallait faire slalomer un serpent, pendant des heures, pour éviter qu’il ne se mange sa queue.

Mais c’était il y a vingt ans, et depuis, les smartphones sont devenus tellement plus performants, plus intelligents, au point de devenir complètement indispensables, addictifs… même si, aujourd’hui, la fonction téléphone n’est que peu utilisée.

Alors, comment expliquer ce retour des dumb phones ou téléphones idiots ? Car il s’agit bien d’une réelle tendance. Avec des ventes qui ont complètement explosé dans le monde : 400 millions d’unités écoulées en 2019, un milliard, l’année dernière.

En Angleterre, une personne sur dix utiliserait un de ces téléphones basiques. Est-ce qu’il s’agit du même phénomène que l’on a vu apparaître avec les platines vinyle ? On peut y voir une nostalgie, un phénomène de mode. Ou peut-être plus simplement un besoin de sobriété, de minimalisme. La prise de conscience du côté intrusif des smartphones.

Combien de fois on a constaté que nos données étaient immédiatement récupérées et diffusées à la suite d’une recherche pour une montre ou un livre !

Et Alice de terminer sa démonstration :

« Toutes les applications que j’avais sur mon iPhone ne me servaient à rien et puis cette course à la nouveauté pour des appareils qui coûtent, quand même, une fortune et que tu changes tous les deux ans, ça n’avait plus de sens. »

« Ça peut paraître à contre-courant, mais j’avais le sentiment de toujours courir après ce progrès technologique qui court plus vite que moi… comme un hamster dans sa roue !

Avec mon Nokia 3310, je retrouve une forme de maîtrise de mon temps, et je peux te dire que ça fait un bien fou. Quand tu tapes un message avec ce genre de clavier, vu le temps que ça prend, c’est vraiment que ton message est important ! »

Appel à déserter

Appel à déserter

Ils sont huit à être montés sur scène dans une ambiance festive. Quatre garçons et quatre filles, étudiants et étudiantes à AgroParisTech, la prestigieuse école d’ingénieurs agronomes. Ils ont été formés pour exercer leur métier dans les secteurs de la transformation agro-industrielle, des ressources agricoles et forestières, des biotechnologies.

C’était le 30 avril dernier et la direction de l’école ne s’attendait pas au discours que les nouveaux diplômés avaient préparé. Comme une mise au point définitive ! Un discours appelant à déserter les emplois qui leur étaient réservés. Un discours de combat, un discours de refus et de prise de conscience.

« Ce que nous voyons, c’est que l’agro-industrie mène une guerre au vivant et à la paysannerie, partout sur terre. AgroParisTech forme, chaque année, des centaines d’élèves à travailler pour l’industrie, de diverses manières : trafiquer en labo des plantes pour des multinationales qui renforcent l’asservissement des agriculteurs ; concevoir des plats préparés et des chimiothérapies pour soigner ensuite les maladies causées ; inventer des labels “bonne conscience” » Dans la salle, certains sont médusés, beaucoup applaudissent  cette bifurcation qui marque les esprits et ne laisse personne indifférent. « Nos métiers sont destructeurs, il est temps d’agir ! »

En quelques jours, la vidéo va être massivement relayée, plus de 400 000 vues sur YouTube. « Ne perdons pas notre temps, ne laissons pas filer cette énergie qui bout en nous. Désertons, avant d’être coincés par les obligations financières. »

Alors que vont-ils faire demain ? Ils vont venir parler de leur conversion, ce que seront les jours prochains. L’une fait déjà de la culture vivrière à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, un autre prépare son installation comme apiculteur dans le Dauphiné, l’une vient de rejoindre le mouvement “Les Soulèvements de la terre”, contre l’accaparement des terres agricoles, un garçon vit à la montagne en faisant un boulot saisonnier, deux s’installent dans une ferme collective.

Il y a quelques jours, ce sont 150 étudiants des Écoles normales supérieures qui, à leur tour, ont pris la parole dans une tribune du Monde intitulée “Alignons notre pratique scientifique sur les enjeux impérieux de ce siècle”, et dans laquelle ils posent cette question : « Que restera-t-il du vivant à étudier, si nous n’avons rien fait pour l’empêcher de s’effondrer ? »

Quelque chose bouge. C’est toute une génération, du moins une partie, qui aujourd’hui, déserte la carrière qui leur était destinée et ose dire non à un système économique prêt à leur offrir de gros salaires. Un autre monde est possible, dit-on, ces jeunes gens l’entrevoient et c’est plutôt encourageant !

Cultiver la terre autrement

Cultiver la terre autrement

Un jour de 2006, Charles et Perrine Hervé-Gruyer se sont arrêtés dans un petit village de la vallée de la Risle, en Normandie. Le Bec-Helloin, connu pour une abbaye bénédictine où les moines cultivent des produits du terroir.

Juriste internationale dans un cabinet d’avocats, Perrine a vécu au Japon et a gardé quelque chose de la philosophie des jardins japonais. De son côté, Charles était marin éducateur et emmenait des enfants faire le tour du monde. Et cela faisait déjà un moment, que tous les deux avaient du mal avec les incohérences de nos modes de vie.

Sans doute aussi le fantasme du retour à la terre. Alors dans ce petit village normand, ils ont acheté un herbage de quelques hectares avec des vaches. Là où personne ne faisait de maraîchage.

Charles et Perrine Hervé-Gruyer ne sont pas agriculteurs, mais citadins… et manifestement visionnaires : « Comment faire pour survivre de façon la plus autonome possible, en étant le plus économe possible dans sa relation à la nature, tout en se passant du pétrole ? » Il ne s’agit pas de revenir au Moyen Âge, mais plutôt de réfléchir à mettre en place des techniques permettant l’autonomie.

Ils vont alors s’intéresser à la permaculture (un mot-valise pour permanent et culture). Un système théorisé et mis en pratique en Australie dans les années 1970. Quelque chose qui ressemble à l’association et à la complémentarité des cultures que pratiquaient les maraîchers parisiens au XIXe siècle pour fournir les halles.

Au fil des années, leur pratique va se développer, s’enrichir et devenir un véritable laboratoire d’expérimentations à ciel ouvert. « Un agriculteur qui a un tracteur, quand il tourne la clé de contact, il a la puissance de plusieurs centaines d’êtres humains qui travaillent pour lui instantanément et à faible coût. Nous, on a choisi de se passer de ça. Est-ce que ça veut dire qu’on est tout nus, désarmés, très faibles pour autant ? Eh bien finalement, non. Parce qu’on s’appuie sur d’autres formes d’énergie, d’autres puissances, d’autres forces. »

Il va falloir une dizaine d’années à Charles et Perrine Hervé-Gruyer pour mettre au point tout un écosystème extrêmement riche. Nouvelles techniques, nouvelles approches : la ferme du Bec-Helloin va devenir ainsi une référence internationale incontournable. Et c’est des quatre coins du globe que l’on va venir s’enrichir de leur pratique de la permaculture.

En 2019, ils publieront chez Actes Sud un ouvrage conséquent sur la permaculture, “Vivre avec la terre”, qui va rapidement devenir un best-seller. Car tout semble donner raison au couple précurseur du Bec-Helloin. Il va nous falloir apprendre l’autonomie, car il est largement temps d’inventer une nouvelle manière de cultiver la terre.

L'effet barquette

L'effet barquette

Personne n’avait fait le lien. Qui aurait pu imaginer, fin février, que l’invasion de l’Ukraine par la Russie allait avoir comme conséquence directe… de remettre en cause l’existence même de la barquette de frites ?

Deux mois après le début de la guerre, les rayons d’huile des supermarchés sont en partie vides. Et l’on a vu fleurir des affichettes annonçant « Pas plus de deux bouteilles d’un litre d’huile de tournesol, par personne ».

La raison est toute simple, l’Ukraine est le plus grand producteur d’huile de tournesol, soit 50 % des exportations mondiales. Avec la guerre aux portes de l’Europe, la fourniture des 200 000 tonnes mensuelles d’huile de tournesol a été stoppée, dès le début du mois de mars.

Alors, depuis quelques jours, c’est une “drôle de quête” que les professionnels de la frite mènent au quotidien. Trouver de l’huile, coûte que coûte ! Contacter tous les fournisseurs, traquer la moindre piste, être en alerte permanente, se déplacer immédiatement, dès que l’on entend parler d’un point de vente approvisionné.

« Ce n’est pas compliqué ! On est passé de 30 euros le bidon, à 75 euros. Et chez certains fournisseurs, la barre des 100 euros a été dépassée ! » Les grossistes ont été contraints de rationner. Chez Metro, c’est 2 bidons de 25 litres par personne et par jour, pas plus. 

Au point que les restaurateurs et les friteries se retrouvent à devoir proposer à leurs clients des alternatives aux produits frits.

Le prix de la barquette s’en ressent, 4 euros, à la place de 3,50 euros.

« Et le client ? Comment réagit-il ? »

« Les gens comprennent, mais ça ne règle pas le problème de l’approvisionnement, je ne trouve pas d’huile ! »

Chez nos voisins britanniques, c’est un véritable symbole qui se retrouve menacé par la crise, le fish and chips. Entre 30 % et 40 % du poisson utilisé pour les fish and chips venaient de Russie. Faute d’huile ukrainienne, le poisson frit enveloppé dans du papier journal fait défaut, outre-Manche.

C’est peut-être ce que l’on appelle l’effet papillon… qui en dit long sur l’extrême fragilité de nos systèmes économiques. « Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? » 

Au-delà de la pénurie d’huile, c’est l’incertitude qui refait surface. Isabelle, de la friterie des puces de Vanves l’évoque avec inquiétude : « Avec cette histoire d’huile, on ne peut pas se projeter sur le long terme, car personne ne sait comment les choses vont évoluer. Aujourd’hui, je travaille sans même savoir si je vais gagner quelque chose ! »

Quand les perspectives de vie tiennent dans une barquette de frites, sauce Samouraï !

Jamais content !

Jamais content !

C’est souvent quand on débarque à l’aéroport de Roissy, après avoir passé quelques semaines à l’étranger, que l’on fait le constat… le Français n’est jamais content. “La France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer !” selon le bon mot de l’écrivain voyageur Sylvain Tesson.

Ça ne va jamais, toujours ça critique, ça se révolte, ça manifeste pour tout. Le Français est râleur, il fait la gueule. Le tout, ponctué d’un truc intraduisible, le “rrrhhh” dans la gorge. Ces derniers jours, pour le second tour de l’élection présidentielle, les Français ont réélu le président sortant Emmanuel Macron, mais ils sont près des trois quarts à vouloir, dès demain, une Assemblée nationale de gauche. Jamais contents !

On a en tête la chanson d’Alain Souchon.

“Elle me dit que j’pleure tout le temps
Que j’suis comme un tout p’tit enfant
Qu’aime plus ses jeux, sa vie, sa maman
Elle dit que j’pleure tout le temps
Que j’suis carrément méchant
Jamais content
Carrément méchant
Jamais content”

Nous sommes un peuple de boudeurs, de rouspéteurs, de chouineurs. Ça ferait partie de nos gènes. On ne compte plus les articles de Courrier International qui épinglent ce trait de caractère. “Ça ne va jamais, et même quand ça va, ça pourrait aller mieux !” 

Lorsqu’on demande aux Français de résumer leur état d’esprit, les mots “incertitude”, “inquiétude” et “fatigue” arrivent en tête. Le Français n’est pas optimiste.

En parallèle, les pays les plus optimistes ne sont pas les plus avancés économiquement. Les premières places sont occupées par le Nigeria, les Fidji, l’Inde et le Pakistan. 

La nostalgie, c’est peut-être ce qui nourrit ce sentiment. La nostalgie d’une époque fantasmée, glorieuse et prospère. Un sentiment de déclassement sur la scène internationale qui n’est pas si éloigné du déclassement individuel, éprouvé au quotidien par la classe moyenne. “C’était mieux avant !”

Depuis les années 1980, la “dépression française” se nourrit d’un chômage élevé, des inégalités qui se creusent, de l’insécurité, d’une immigration médiatisée, de la pollution, de la météo, en gros de tout… Comme dans les autres pays, les Français ont de bonnes raisons d’avoir des craintes. 

Mais il y aurait autre chose. Un quelque chose que les autres n’ont pas et qui ferait partie de notre mode de vie. Ce quelque chose que les Anglais ou les Américains ne comprennent absolument pas, c’est que se plaindre aurait une fonction sociale. Râler serait un tic de conversation culturelle, un truc typiquement français pour engager un dialogue. En gros, quand on dit que ça ne va pas, c’est juste pour discuter. En fait, ça ne va pas si mal !

Et si tu demandes son avis à un Marseillais, il n’y a pas photo. Pour lui, le Français le plus râleur, c’est bien évidemment le Parisien qui n’a ni la mer ni le soleil. Et la conversation est engagée pour tout l’après-midi !

Survivalisme, une tentation ?

On a commencé à en entendre parler sérieusement à la sortie du confinement.
De plus en plus de Français devenaient sensibles au survivalisme.
« Après ce que l’on vient de vivre, je suis persuadé que tout va s’effondrer dans les années à venir, il faut s’y préparer ! »

Quand le mot “survivalisme” apparaît aux États-Unis dans les années 1960, il désigne des gens terrifiés par le communisme et la menace nucléaire. On a tous en tête ces images d’Américains empilant des boîtes de conserve dans un abri antiatomique. Et puis, petit à petit, c’est l’écologie et l’état de la planète qui vont sensibiliser autour d’une préoccupation : comment vivre en autonomie ?

Depuis dix ans, les choses s’accélèrent, on est passé d’un survivalisme “bien-pensant” “Comment je fais pour vivre au milieu de la nature, en me nourrissant de ce que je trouve ?” à un survivalisme apocalyptique, avec formation militaire ou paramilitaire, proche de l’extrême droite.

En gros, deux visions diamétralement opposées, ceux qui sont convaincus qu’il faudra se défendre seul en s’armant jusqu’aux dents et ceux qui, au contraire, pensent que c’est en jouant la carte de la solidarité et du partage qu’on pourra y arriver.

On a même un salon du survivalisme, ce qui en dit long sur l’importance économique du phénomène. Il y aurait près de 300 000 survivalistes, en France, prêts à affronter concrètement l’effondrement. Un salon où l’on trouve tout un tas de choses, rations de nourriture, matériel médical, gilets par balle et stages de survie, mais aussi livres, jeux vidéo.

“Survival, le magazine de survie en milieu hostile” tire à plus de 30 000 exemplaires. On peut y apprendre à construire sa « BAD », sa « base autonome durable, l’abri où tu pourras te réfugier pour survivre en cas de crise ».

Stage de survie, d’un côté, où l’on parle permaculture et adaptation au milieu sauvage, et de l’autre, radicalité qui flirte avec la violence dans des camps d’entraînement à forte charge idéologique. Aujourd’hui, en France comme aux États-Unis, c’est le survivalisme de combat qui domine.

La DGSI prend, paraît-il, les choses très au sérieux, car ce n’est jamais rassurant de savoir que des personnes effrayées et radicalisées commencent à s’organiser et à se regrouper. D’autant que la guerre en Ukraine n’a fait que confirmer ce que certains pensent depuis longtemps… la menace est réelle, il faut nous y préparer. 

Fossé générationnel à l’horizon

Fossé générationnel à l’horizon

On sent bien que la société française est en train de bouger, et que cette élection présidentielle 2022 a un goût particulier. Au-delà de nos divergences d’opinions, les résultats du premier tour sont riches d’enseignements. Le plus important de tous, c’est sans doute la différence manifeste de vision entre les générations.

D’un côté, il y a la jeunesse, qui a subi de plein fouet les différents confinements dus à la pandémie de Covid-19. Elle sort épuisée du quinquennat, en ayant bien compris que le futur préparé par la génération des Trente Glorieuses était incertain, pour ne pas dire effrayant.

Le 10 avril les jeunes se sont plus déplacés que leurs aînés. L’abstention n’atteint que 24 % chez les 18-24 ans. Et ceux qui sont allés voter, se sont plus souvent prononcés pour les candidats de gauche que leurs aînés.

Ainsi, 29 % des 18-24 ans ont voté pour Jean-Luc Mélenchon, contre 20 % de l’ensemble des Français. Yannick Jadot, lui, a obtenu la faveur de 8 % des moins de 24 ans, alors qu’il n’a recueilli que 4 % du total des suffrages.

De l’autre côté, il y a la génération de Mai 68, aujourd’hui à la retraite, et qui ne compte pas renoncer à son confort et ses avantages. Ces seniors, qu’il a fallu protéger du Covid-19, en mettant toute la population sous cloche. Ils ont profité de la croissance des années 1960 et 1970, des emplois stables, et de la retraite à 60 ans. Cette génération, elle, a voté massivement pour Emmanuel Macron.

Le fossé générationnel se creuse-t-il ? L’espoir à portée de bulletin de vote a-t-il été illusoire ? Il est trop tôt pour y répondre. La seule chose dont l’on soit sûr, c’est qu’il n’est jamais bon de désespérer la jeunesse…

Alors, à ce moment, on se souvient de Wolinski, le dessinateur de Charlie Hebdo, qui disait souvent le sourire aux lèvres : « On s’est battu en Mai 68 pour ne pas devenir ce qu’on est devenu ! »

De l’art de la nuance

De l’art de la nuance

Est-ce l’approche du premier tour de l’élection présidentielle ? Est-ce le fait que certains pointent du doigt l’absolue nécessité de la nuance ? Dans tous les cas, il y a une prise de conscience, la nuance est d‘évidence vitale à notre vie en société, au vivre ensemble.

« Prenons un exemple, là, vous voyez ce mur, parlons de sa couleur… il est vert n’est-ce pas ! Ou bien, c’est une teinte bleutée, mais réchauffée par une pointe de jaune qui fait vibrer la surface. Suivant le moment de la journée et la lumière, on peut ressentir des variations, des dégradés même, du turquoise aux verts indéfinis. »

Accepter la nuance, c’est accepter que les choses ne soient pas définitives. Peut-être même accepter de ne pas savoir. Pourquoi c’est difficile de dire « Je ne sais pas ? »

Une conversation sans nuance donne toujours l’impression d’avoir raison, le sentiment de ne pas douter. Car la nuance a bien évidemment à voir avec le doute, l’incertitude, la prudence. Le paradoxe, aujourd’hui, c’est qu’un propos nuancé semble se fragiliser par la forme qu’il prend. « Ce type-là, on ne sait pas ce qu’il pense, il n’est pas clair. Il n’inspire pas confiance. »

Et si finalement, tout cela était lié à une crise du langage ? L’invective publicitaire est devenue la norme. “Buvez, éliminez” “Just do it !” “Parce que je le vaux bien” “What Else”.

Clamer un slogan et réfléchir, ce sont deux choses bien différentes, ce n’est pas la même temporalité. Sauf que l’on voit bien que nos conversations sont impactées par les formules, les éléments de langage, les punchlines.

Des phrases courtes, binaires, des tweets de 140 signes, qui abîment le langage par l’absence de nuance et d’argumentation.

Sur les réseaux sociaux, la radicalisation est extrêmement rapide. Tellement, qu’elle occasionne perte de contrôle et débordement. Il faut s’indigner, encore et toujours plus fort, clasher pour exister. La surenchère verbale est la meilleure garantie que vos quelques mots circulent rapidement, qu’ils soient likés, retweetés, diffusés.

La nuance, donc une certaine “tiédeur”, ne peut que vous faire disparaître, voire non-exister.

Pourtant, quand vous êtes face à quelqu’un, souvent naturellement, la nuance revient. Malgré tous les algorithmes possibles, nous restons des animaux sociaux, nous avons besoin de rencontres pour discuter, pour apprendre, mais aussi pour ne pas être d’accord et débattre. La rencontre “en vrai” comme lien social et la nuance comme accélérateur ! Beau programme non ?

Vous avez tout vu !

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