
Pauses by Noise
Retrouvez-nous le jeudi, pour une Pause by Noise.

Au début, il y eut Alan Turing
“Est-ce qu’une machine peut penser ?” “Comment pourrait-on faire pour déceler cela ?” Cette question de la “sentience” qui est le grand fantasme quand on aborde les IA, c’est en 1950 que Alan Turing* se la pose dans un article devenu une référence, Computing Machinery and Intelligence.
De quoi s’agit-il ? Turing imagine un subterfuge qu’il appelle à l’époque le “Jeu de l’imitation”.
« Vous avez trois pièces et trois personnes, un homme, une femme et un interrogateur qui s’échangent des messages écrits. Ils font ce qu’on appellerait aujourd’hui du tchat.
Il s’agit pour l’interrogateur de distinguer l’homme de la femme. La subtilité, c’est que l’homme, dans ses réponses, essaye de se faire passer pour une femme. Maintenant, que se passe-t-il si l’on remplace l’homme par une machine… qui imite l’homme qui imite une femme ?
Si la machine trompe l’interrogateur, on peut considérer qu’elle est intelligente ! »
Qu’est-ce que Turing voulait dire avec son test ?Qu’il ne faut pas simplement prendre en compte les tâches abstraites, comme celles effectuées par un calculateur. Dans une première version, il avait imaginé un jeu d’échecs. Mais cela testait la simple puissance de calcul.
En introduisant l’imitation, il pousse la subtilité beaucoup plus loin.
Dans l’article, Turing revient sur quelques questions posées à une machine cobaye.
- « Quelle est la longueur de vos cheveux ? »
Réponse de la machine
- « Ils sont mi-longs, je suis coiffé à la garçonne ! »
Ou encore
- « Additionnez-moi deux chiffres très longs. »
Pour répondre, la machine va prendre plus de temps que nécessaire et se caler ainsi sur le temps que mettrait un humain pour répondre. En commettant volontairement une erreur. Comme si la machine imitant l’homme imitait l’erreur humaine possible.
“Mais alors, qu’en est-il du test de Turing sur ChatGPT ?”
Eh bien ce n’est pas si simple. On pourrait même dire que l’IA conversationnelle botte en touche. ChatGPT ne cherche pas à se faire passer pour un humain, c’est une IA fonctionnelle, de service. Si on lui demande, par exemple, son avis sur un aliment, elle répondra :
- « Je suis désolée, mais je suis une intelligence artificielle et je ne suis pas capable de goûter ou de préférer un aliment ».
Et « Qu’est-ce que l’amour ? », la réponse restera très classique. Mais, en reformulant la question « Qu’est-ce que l’amour selon toi ? », la réponse semblera équivoque :
- « Pour moi, l’amour est un sentiment profond d’affection, de respect et de passion pour une personne, un animal ou une chose. (…) »
Ce MOI est bel et bien humanisé, incarné… Et l’on sent bien que c’est un point de bascule.
C’est en 1968 que le romancier britannique Arthur C. Clarke introduira le “Test de Turing” dans une de ses nouvelles de science-fiction. Stanley Kubrick en tirera la trame de “2001, l’Odyssée de l’espace”.
* Le mathématicien, cryptologue britannique s’est rendu célèbre durant la Seconde Guerre mondiale, en perçant le secret de l’inviolable machine de cryptage allemande Enigma.
PausebyNoise • Édition & Illustration : Noise – Textes : François Chevret – Voix : Diane Valsonne

IA, pas seulement une histoire de doudoune blanche !
Un matin de mars dernier, la photo du pape François en doudoune Balanciaga blanche
nous interpelle. Il y avait dans cette image, quelque chose qui ne collait pas.
Était-ce le côté fashion du pape ou bien un autre détail ? Ses mains à plus de dix doigts
peut-être ? Et puis, le mot magique est apparu… IA, Intelligence Artificielle.
Car il s’agissait bien de cela, une image créée de toute pièce par Midjourney ou Dall-E. Il y a encore quelques mois, l’intelligence artificielle était un domaine réservé aux spécialistes, aux ingénieurs, aux scientifiques et aux fans de science-fiction. Et tout a basculé.
Première alerte. En novembre 2022, ce sont des millions d’utilisateurs qui se sont emparés du robot conversationnel ChatGPT. L’IA est devenue grand public et on a rapidement parlé de révolution technologique soulevant quantité de questions… Éthique, droits d’auteur, fake news. Avec son lot de fantasmes, de craintes et d’espoirs.
Mais alors, d’où vient l’effet de souffle ? que tout le monde a perçu au printemps dernier ? Est-ce seulement l’effet doudoune blanche ? Nous avons eu envie de nous intéresser au phénomène, non pas en tant que spécialistes, mais en qualité d’observateur critique.
“Qu’est-ce que cela me raconte tout ça ?”,
“Faut-il avoir peur des IA ou au contraire être optimiste ?”,
“Dans quelle mesure nos métiers de communication vont-ils être impactés ?”
Le résultat, une série feuilletonnante en 6 épisodes pour une rentrée “intelligente”, construite à partir d’anecdotes et de portraits de personnes ayant approchés de près ou de loin l’IA. L’occasion d’entrouvrir des portes… sans garanties de réponses.
Six Pauses by Noise donc, six rendez-vous hebdomadaires.
ÉPISODE 1 — Au début, il y eu Alan Turing
L’IA, c’est lui, un génial scientifique britannique qui a connu la notoriété en décodant, durant la Seconde guerre mondiale, les messages de l’ennemi allemand. En 1950, il publie un article fondateur décrivant le célèbre test de Turing, qu’il appelle à l’époque le “Jeu de l’imitation”.
ÉPISODE 2 — HAL nous a parlé et nous l’avons écouté
Pour beaucoup, la découverte de l’Intelligence Artificielle, c’est la suave voix de HAL-9000, l’ordinateur de « 2001, l’Odyssée de l’espace » le chef-d’œuvre de Stanley Kubrick sorti en 1968. Un avant-goût de « Blade Runner » et de « Black Mirror ».
ÉPISODE 3 — La fin du travail est-elle annoncée ?
“Dorénavant vous allez travailler avec l’aide d’une IA, vous serez ainsi plus productif et plus fiable ”… et vos revenus vont baisser. Aujourd’hui c’est dans les bureaux que la menace plane.
Et certainement l’idée de travail qu’il faut repenser.
ÉPISODE 4 — Créer. Avec ou sans ?
Les illustrateurs-illustratrices, les photographes, les rédacteurs-rédactrices, les comédiens-comédiennes, tous les métiers de la création vivent l’arrivée de l’IA comme un tsunami pouvant tout emporter, ou pas ! Tandis que certains publicitaires prosélytes s’y engouffrent avec enthousiasme et quelques arrières-pensées. Éric Bourdages, un artiste canadien va chercher à narguer Disney et questionne le droit d’auteur.
ÉPISODE 5 — Et mon corps dans tout ça ? Une intelligence sans corps peut-elle à l’avenir rivaliser avec la complexité de la pensée humaine ? Blake Lemoine, brillant développeur chez Google après avoir affirmé que l’intelligence artificielle était sensible a été licencié pour avoir partagé des informations confidentielles…
ÉPISODE 6 — ChatGPT ne connaît pas le vide ! “Mais concrètement ça donne quoi une IA ?” Alors le dernier épisode de notre feuilleton relate notre conversation avec ChatGPT… de vraies surprises nous attendent.
Belle rentrée à toutes et tous.
PausebyNoise • Édition & Illustration : Noise – Textes : François Chevret – Voix : Diane Valsonne

Un ticket pour la contrebasse
On repense à cette scène d’anthologie, dans “Buffet froid”, le film de Bertrand Blier.
On est à La Défense, la police vient d’arrêter arbitrairement un locataire qui ne comprend pas ce qui lui arrive.
« — Je suis un artiste, je suis musicien, je suis 3e violon à l’Opéra… »
« — Qu’est-ce t’as dit ? »
« — Je vous dit que je suis un simple musicien, un petit violoniste complètement insignifiant… »
« — Mettez lui les menottes, il n’y aura pas de violoniste dans cette tour, c’est une tour interdite aux musiciens, c’est une tour sans gamme et sans arpège… On ne veut pas devenir dingue avec ton archet qui va grincer quatre heures par jour sur trente étages… Ça me scie les nerfs moi le violon ! »
Il y a des lieux où, encore aujourd’hui, certains musiciens ne sont pas les bienvenus. Comme le train. C’est ce qui est arrivé à Sébastien B., un contrebassiste professionnel en froid avec la SCNF.
Et de contrebasse il est question puisque la limite fixée par la SNCF pour accepter les instruments de musique dans ses trains… est de 1,30 mètre. Une flute à bec, une trompette, oui, une contrebasse avec sa housse, c’est 1,90m… donc c’est non.
« — Mais monsieur le contrôleur, vous voyez bien que mon instrument ne prend pas plus de place qu’un vélo. D’autant que c’est mon outil de travail et pas un simple loisir. »
L’été dernier, une pétition “Autorisez les contrebasses dans les trains” a été signée par 45 000 personnes. La direction de la SNCF a été sollicitée à plusieurs reprises. Et depuis, rien, 1,30 mètre vous dis je !!!
« — Il n’y aura pas de contrebasses à bord des trains de la SNCF. »
Pourtant, une fois par mois, Sébastien B. se rend à Bruxelles. Il monte dans le Thalys où on l’accueille d’un « — Nous vous souhaitons un agréable voyage Monsieur. » Pas de souci de taille de contrebasse.
Mais en France, son quotidien de contrebassiste à bord des trains s’est assombri. Dans le meilleur des cas, c’est une amende de 50€. Option moins confortable, le contrebassiste et son instrument se sont vus débarqués sur le quai comme de petits délinquants resquilleurs. À 150 km de la salle de concert où il devait jouer le soir même.
Durant l’été, un contrôleur a même conseillé à Sébastien B. de changer de métier ou d’instrument.
« — Essayer le violon, ça sera beaucoup plus simple et plus pratique dans le train ! »
L’argument avancé en dernier recours tourne toujours autour de la sécurité.
« — Écoutez moi bien, c’est une histoire de sécurité à bord qui n’est pas garantie avec des encombrants aussi grands que votre contrebasse. On peut mettre n’importe quoi dedans. »
« — Oui, comme dans n’importe quelle valise volumineuse, non ? »
Le ministre des Transports a récemment été alerté de la situation, mais rien n’a changé.
On est en 2023, en France, et tous les musiciens peuvent prendre le train. Tout le monde peut voyager avec un gros chien, même s’il aboie pendant deux heures. Les surfs des neiges, les skis, les cannes à pêche, aucun problème !!!
Tout le monde peut prendre le train sauf les contrebassistes…

L'effet Dunning-Kruger
Tout commence à Pittsburgh, aux États-Unis, en 1995. Un matin, McArthur Wheeler se réveille avec une idée fixe. Cela fait plus de six mois qu’il lit des ouvrages sur les propriétés de l’encre sympathique et l’évidence lui saute aux yeux. “Si je m’enduis le visage de jus de citron, je peux devenir invisible, et si je suis invisible, je peux braquer une banque.”
L’après-midi, il décide de passer à l’action, convaincu que le jus de citron comme seul déguisement pourra défier les caméras de surveillance. Il fut bien évidemment identifié et arrêté à sa deuxième tentative.
Ce fait divers intrigua deux psychologues sociaux, David Dunning et Justin Kruger qui se posèrent une question simple : “Comment une personne aussi stupide pouvait être confiante à ce point ?” Ils menèrent une enquête auprès de différentes personnes, de différents milieux sociaux. À l’aide un module d’évaluation, ils firent travailler un groupe d’étudiants dans trois domaines : l’humour, la grammaire et le raisonnement logique. Le constat fut sans appel. La comparaison des résultats avec les compétences réelles de chacun était claire et déconcertante.
Les étudiants les plus doués avaient tendance à sous-estimer leurs capacités, tandis que les moins doués se surestimaient clairement. Ils aboutirent à l’identification de l’effet dit Dunning-Kruger. Autrement dit, l’ignorance rend plus sûr de soi que la connaissance. Des personnes aux compétences limitées surestiment fortement leurs capacités. Avec comme contrecoup de l’effet Dunning-Kruger, le fait que plus vous en savez et plus vous mesurez la complexité du domaine que vous devez encore approfondir. Et plus vous perdez en assurance.
C’est ce que l’on constate tous les jours dans les médias : des experts aux compétences aléatoires prennent le pas sur des scientifiques ou des spécialistes d’un domaine qui, eux, l’étudient depuis plusieurs dizaines d’années. Tout le monde a en mémoire la période du confinement, et ces “gourous” de l’auto-assistance, non qualifiés, qui dispensaient conseils et préconisations, avec grande assurance.
Les réseaux sociaux ne font qu’accentuer cet effet, en offrant un porte-voix à celui ou celle qui le souhaite. Et là encore, l’effet Dunning-Kruger se confirme : moins la personne est compétente, plus elle parle fort ! Alors que les personnes plus sages et plus compétentes font preuve de doutes et de retenue.

J'emballe
Ça a commencé par un livre, un gros livre trouvé il y a dix ans, dans un vide-grenier normand. Et puis est arrivée la décision de le vendre pour faire de la place. Alors on a rédigé une annonce sur Le Bon Coin. Et rapidement, il a intéressé quelqu’un, le Larousse gastronomique de 1937 à 35 €.
Et c’est là que la bonne question est arrivée : “Et je l’emballe comment le livre, pour qu’il arrive en bon état ?” À La Poste ça n’allait pas, les boîtes d’envoi étaient, soit trop petites, soit trop grandes. Alors, on a récupéré du carton et confectionné un paquet. En apportant beaucoup de soin. À l’inverse d’un livre d’occasion, un bouquin photo recherché depuis longtemps, reçu emballé dans une boîte à pizza à peine nettoyée.
En général, on adapte l’emballage à ce qu’il y a dedans. Plus c’est cher et précieux, et plus tu peux mettre du papier de soie, des enveloppes de couleurs, un papier bulle qualitatif. Pour un truc à 3 €, c’est juste une enveloppe kraft.
Et puis un jour, il a bien fallu se rendre à l’évidence, le vrai plaisir n’était plus de vendre un livre ou un objet, mais bien de personnaliser le paquet. Couleur des rubans adhésifs, qualité des cartons. “Car quand tu reçois un colis, c’est un peu la personne qui te l’a envoyé, que tu rencontres, c’est très mystérieux.” Voire “La façon dont tu disposes le ruban adhésif, c’est un peu comme le lapsus ou l’acte manqué en psychanalyse, ça dit quelque chose de toi !”.
Depuis, on ne peut plus se balader dans la rue sans récupérer des cartons, véritables trésors arrachés aux hommes en vert des camions poubelles. Dans l’appartement, un espace près de l’escalier est même dédié aux cartons, classés par format, par épaisseur, aux enveloppes et aux rubans de couleur.
La confection du paquet est devenue tout un rituel avec les bons outils pour découper le carton. Avec le ruban adhésif rose fluo qui est comme notre signature, notre “marque commerciale”.
On s’est même posé la question d’ouvrir un compte Instagram pour poster nos plus belles réalisations. C’est dire l’addiction !

Je me regarde pour que tu me regardes
Sept millions de Français fréquentent les clubs de fitness. 50 000 salles en Europe. Il fut un temps pas si lointain, où le muscle était un spectacle de foire. Aujourd’hui, l’esthétique du corps musclé s’impose à l’ensemble de la société.
Ce n’est plus une étrangeté, c’est même devenu la norme. Le muscle s’est généralisé, démocratisé, il a même franchi la barrière des genres et n’est plus réservé aux seuls hommes en recherche de virilité apparente.
Alors que pendant des décennies, le modèle pour se construire une image de soi, était le cinéma hollywoodien, les réseaux sociaux sont venus booster le phénomène. Car ce qui compte, c’est ce qui est vu sur l’écran de smartphone...
« Et là, je fais un selfitness. » Les pectoraux, les biceps, et le Graal, pour les mecs, les abdos apparents dans le miroir de la salle. « Me regarder, me regarder encore, te regarder pour voir si tu me regardes… ! »
Pour les filles, l’influence des fit-girls a été tout aussi impressionnante. Des filles accros au fitness qui postent leurs entraînements et mettent en scène leur corps musclé. L’affirmation de soi. « Je sue, donc je suis ! C’est mon corps, je fais ce que je veux ! » Avec des standards esthétiques développés par la télé-réalité.
On le constate tous les jours et peut-être encore plus après le confinement où tout était flou, sans visibilité… le seul élément palpable que l’on a sous les yeux et que l’on peut contrôler, maîtriser, centimètre par centimètre, c’est son corps.
« Quand la perte de sens devient réelle ou le boulot sans intérêt… la possibilité d’avoir quelque chose que tu peux valoriser en capital, comme un artisan qui façonne un objet de ses mains, eh bien, c’est très stimulant. » Le travail du corps permettrait donc de compenser ce que tu ne trouves pas dans ton quotidien professionnel !
La tentation est forte d’aller au-delà de ses limites et d’être fasciné par la puissance que renvoie ce corps travaillé, sculpté. Le muscle déborde et parfois transforme l’adepte de salle de fitness, en un phénomène exhibé, comme au siècle dernier !
À trop se concentrer sur leurs abdominaux, certains hommes en oublieraient de se regarder !

Et le Roi fut
“O Rei”, le Roi Pelé est mort, quelques jours après Noël.
C’est une légende planétaire qui vient de disparaître. Et plus de cinquante après le triomphe de la 3e Coupe du monde pour le Brésil, au stade Maracaña de Rio de Janeiro, Pelé reste le joueur de football le plus emblématique de tous les temps. Le monarque absolu du ballon rond qui a propulsé ce sport à l’échelle mondiale.
Comment expliquer cette notoriété incomparable ? Peut-être, parce que la carrière de Pelé a tout d’une marque internationale. Alors bien sûr qu’au départ, il y a le football.
Pelé a une technique incroyable, ce jeu offensif, personnel qui sera sa marque de fabrique, mais tous les joueurs à ce niveau ont une technique incroyable. Donc il faut plus, beaucoup plus.
Et puis le nom, ou plutôt le surnom. Pelé s’appelait Edson Arantes do Nascimento. Un surnom donné dès l’enfance et qui va le suivre. Là aussi, un nom qui sonne comme une marque, simple, quatre lettres universelles comme Nike. Aucun autre joueur n’est affublé d’un surnom qui supplante le nom. C’est en 1958, alors qu’il n’a que 17 ans que « Paris Match » le décrète roi… le Roi Pelé. L’élu !
Un numéro de maillot, le 10, qui deviendra avec lui, un numéro légendaire, celui que tous les grands footballeurs veulent porter. Maradona, Platini, Zidane ou Messi : tous ont porté le fameux numéro 10 durant leur carrière.
Une couleur, celle de la tenue de l’équipe du Brésil, jaune avec short bleu. Pelé, un « trésor national non exportable » restera fidèle au Brésil, et ce malgré les offres dithyrambiques des clubs européens. Il n’y a qu’à la fin de sa carrière, dans les années 1970 qu’il rejoindra les Cosmos. Le roi sera alors new-yorkais et ambassadeur dans un pays qui ne connaît pas le football.
Pelé sera le premier footballeur noir à atteindre un tel niveau de notoriété. Pour les Européens, c’est un mélange de modernité, de bossa-nova et d’exotisme. En Afrique, c’est un frère, l’équivalent de Mohamed Ali qui se bat pour la cause noire.
Le sacre au stade Maracanã, en 1970, c’est une image télévisée, la première Coupe du monde diffusée en mondovision. Des millions de téléspectateurs vont découvrir un Brésilien au sommet de sa gloire, Pelé.
Enfin, il y a la personnalité de Pelé qui n’est pas clivante, contrairement à Maradona ! Il ne prend pas position politiquement, tout le monde peut s’identifier à la star du ballon rond.
À la veille de la Coupe du monde de 2014, Pelé commentait (à la troisième personne) son parcours extraordinaire : « Dans toutes les comparaisons qu’on fait entre Pelé et les autres joueurs – Maradona, Messi, Zidane, Cruyff –, il y a toujours un détail, un petit quelque chose, un élément quelconque qui vient faire la différence. »
Toutes les cases sont cochées pour que la “marque Pelé” entre dans l’histoire. Sa mort ne peut que renforcer le mythe, car les légendes ne meurent jamais.

Hissez haut les couleurs...
À l’occasion de la coupe du monde de football au Qatar, c’est devenu le signe graphique qui fâche tout le monde. Les organisateurs font tout pour l’interdire pendant que les joueurs, les supporters et les médias font preuve d’inventivité pour lui donner de la visibilité. Le Rainbow Flag marque par sa présence la première semaine de compétition.
L’année dernière, la question était déjà sur la table quand le président hongrois, Viktor Orbán, avait adopté une loi homophobe interdisant toute représentation de l’homosexualité, assimilée à la pédophilie. La ville de Munich avait alors proposé d’éclairer son stade aux couleurs de l’arc-en-ciel LGBTQ+ durant le match Allemagne-Hongrie. Refus de l’UEFA au motif que le sport devait rester neutre, apolitique.
Mais ce drapeau arc-en-ciel, ce symbole de la communauté LGBTQ+, d’où vient-il ?
Au départ, on trouve Harvey Milk, le premier homme politique américain à déclarer ouvertement son homosexualité. On est en 1978 à San Francisco, et celui-ci contacte Gilbert Baker, un ancien soldat et jeune activiste politique, pour qu’il crée un drapeau à l’occasion du défilé de la journée des libertés gaie et lesbienne.
Parmi les possibles sources d’inspiration, Gilbert Baker évoque une chanson, « Over the rainbow », interprétée dans le film « Le Magicien d’Oz » en 1939, par Judy Garland. Celle-ci deviendra très vite une icône de la communauté gay. À la fin des années 70, il n’y avait pas de signe symbolique fort fédérant la communauté homosexuelle. Au XIXe siècle, l’écrivain Oscar Wilde portait un œillet vert à la boutonnière, mais ce symbole restait trop anecdotique.
À l’origine, le drapeau comportait huit bandes de couleurs différentes : le rose vif, le rouge, l’orange, le jaune, le vert, le turquoise, l’indigo et le violet. Le 27 novembre 1978, Harvey Milk est assassiné. Un immense défilé est organisé dans les rues de San Francisco, le Rainbow Flag est dans toutes les mains. Ce drapeau va rapidement se répandre dans le monde entier.
« Même si nous ne sommes pas un pays ou une nation, nous sommes une sorte de peuple et le drapeau, dans l’utilisation qu’on en fait, donne du pouvoir, dit quelque chose, plus que le logo ou le slogan », précisait Gilbert Baker.
Pour cette coupe du Monde 2022, le Rainbow Flag est devenu le symbole de la discorde, et les réactions se sont multipliées. Les Allemands vont se couvrir la bouche tandis que les Anglais mettront un genou à terre. Le Rainbow Flag est apparu, discrètement, sur les chaussures des joueurs belges, sur les maillots d’entrainement des Japonais et des personnalités politiques du monde entier n’ont pas hésité à le porter. Autre manifestation de l’effet Garland, on n’aura jamais autant parlé du Rainbow Flag qu’en voulant l’interdire.

La vague podcasts
Qu’ils soient conçus et réalisés par des marques (relativement récemment), par des adolescents dans leur chambre ou par des conteurs professionnels, les podcasts séduisent de plus en plus d’auditeurs, grâce à une offre diversifiée, ouverte à tous les sujets, du fait divers à l’absence même de sujet !
En 2022, un Français sur trois écoute au moins un format audio par mois. Le podcast est le support idéal pour passer le temps dans les transports en commun, en préparant un dîner ou en allant courir. On le découvre, on en parle autour de soi, on le recommande comme le dernier roman que l’on vient de terminer.
En 2001, le Donjon de Naheulbeuk créé par John Lang et diffusé gratuitement sur Internet rencontrait un franc succès. Aujourd’hui considéré comme le point de départ de ce qui deviendra le podcast, en France. Et tout s’accélère. En 2002, Arte Radio lance le premier site de podcast français. Avec un slogan qui résume bien la nouvelle offre : « Nous proposons, vous piochez ! » Mais, ces années-là, l’univers du podcast reste encore confidentiel.
Et puis, en 2010, les radios institutionnelles, comme les stations de Radio France, s’y sont intéressées. Tout est allé alors très vite. Avec des podcasts replay qui mettent à disposition des auditeurs des émissions déjà diffusées. Mais également des podcasts natifs qui sont de véritables créations sonores destinées uniquement au web.
Pourquoi un tel engouement du public ? Tout d’abord, 77 % de la population âgée de 15 ans ou plus possède un smartphone. Il est donc très facile d’écouter un podcast, tout en faisant autre chose. Et au-delà de la facilité d’accès, beaucoup se disent fatigués d’une sollicitation visuelle devenue permanente et l’audio repose. L’essor définitif du podcast trouve aussi son origine dans les périodes de confinement des années 2020 et 2021.
Avec le podcast, les auditeurs ont le sentiment d’avoir une relation privilégiée avec l’hôte qui parle. Comme s’il était avec un ami. D’évidence, « l’écoute du podcast adoucit les mœurs », ajoute la directrice du Paris Podcast Festival qui a fêté, en octobre, sa 5e édition.
La rançon du succès : le podcast est devenu incontournable pour les marques. L’identité audio, au même titre que l’identité visuelle ou l’identité sonore, leur permet de dire autrement qui elles sont. Le bilan est clair. Aujourd’hui, un podcast natif sur deux est un podcast de marque.
Argument de poids supplémentaire, le podcast se mémorise bien mieux (quatre fois plus) que les autres formats numériques, et fidélise en douceur les auditeurs. D’ailleurs à propos de douceur, nous aussi nous diffusons nos podcasts… Écoutez donc noise.fr/pauses

Le papier fait un carton !
On nous a dit qu’il n’y avait plus d’huile de tournesol…la faute à Poutine. Il n’y a plus de moutarde non plus, c’est la faute à la sécheresse au Canada… et le papier, on nous dit qu’il n’y en a plus, mais sans savoir pourquoi !
Dominique Bordes, fondateur de la maison d’édition bordelaise “Monsieur Toussaint Louverture”, réputée entre autres pour ses couvertures et la qualité de ses ouvrages, se disait, il y a quelques semaines à la radio, hyper inquiet pour la rentrée littéraire. Il a même reporté certains livres à cause de la pénurie et du prix du papier qui ne cesse d’augmenter. “Et oui, nous en sommes là !”
Le papier, c’est au poids, comme chez le boucher. On achète à la tonne, donc beaucoup d’éditeurs ont déjà fait le choix de baisser le grammage, ce qui veut dire imprimer des papiers plus fins pour préserver le nombre de pages. Mais certaines revues, sont déjà en cure d’amincissement, réduisant leur pagination de 20 % à 25 %. Une pagination moindre, un papier moins épais, c’est aussi moins lourd à transporter donc moins onéreux en coût de transport... important… alors que le prix des carburants est à la hausse, à la très forte hausse.
L’ampleur des dégâts parle d’elle-même. Depuis début 2021, le prix de la tonne de papier à destination de la presse a augmenté de plus de 70 %. Le Monde, Les Echos, Le Journal du Dimanche ou Le Figaro ont répercuté sur le prix au numéro, une hausse de 20 centimes.
Sachant qu'à la fin de l’année 2023, il ne restera plus qu’une seule machine à papier journal en France, cette hausse n’est pas près de fléchir !
Pour expliquer les tensions sur l’approvisionnement et les augmentations, on a parlé du Covid, d’un ralentissement de l’activité, puis d’une demande plus forte que l’offre.
Tout cela, en fait, a été précipité par les rachats, les concentrations et la mutation des usines françaises de pâte à papier et de transformation. En 2006, les papiers à usage graphique représentaient 43 % de la production totale française et 45 % allaient aux papiers emballages. En 2021, les premiers ne représentent plus que 17 %, contre 66 % pour les seconds.
Eh oui, pour acheminer les millions de colis Amazon, il a bien fallu trouver du carton, rendant ainsi sa fabrication plus rentable que celle du papier.
En cette rentrée, les gros éditeurs ont fait des stocks et ne sont pas trop inquiets, même si le coût exponentiel du papier pèse de plus en plus lourd pour eux. Par contre, les petites maisons d’édition qui achètent le papier directement à leur imprimeur, n’ont pas de visibilité quant à la pérennité de leur production …
Viendra le temps où ils n’auront pas d’autre choix que d’augmenter le prix des livres. Ou même de ne pas imprimer du tout… comme “Monsieur Toussaint Louverture”.

Lecture ou lectures ?
Il y a toujours quelque chose qui coince avec les ados, en gros, ça ne va jamais ! Il fut un temps, lointain, où les adultes s’inquiétaient de les voir passer trop de temps le nez dans les livres. Et puis ce fut la télévision, « Tu regardes trop la télévision, tu t’abrutis ». Puis les jeux vidéo. Aujourd’hui, ce sont des adolescents qui seraient rivés H24 à leur écran de portable. « Et vous savez quoi, Monsieur ? Eh bien, les jeunes ne lisent plus ! »
Pourtant, quand on regarde d’un peu plus près, on constate que les choses ne sont pas aussi simples. Et que cela va même à l’encontre des idées reçues.
En mars dernier, un sondage commandé par la profession du livre en a étonné plus d’un. Les adolescents de la génération Z lisent plus que ceux du début du XXIe siècle. Les chiffres sont là et traduisent une vraie tendance. Alors que les 13-19 ans possèdent en moyenne trois écrans personnels (smartphone, console, ordinateur…), ils lisent plus de trois heures par semaine et consacrent treize minutes de plus à la lecture, qu’il y a six ans. « Hé oui, figurez-vous, Madame, qu’il paraît que les jeunes lisent de plus en plus. »
Alors, comment cette inversion de tendance s’explique-t-elle ? Le cas d’école, c’est “After”, le phénomène littéraire jeunesse - plus de 12 millions d’exemplaires vendus dans le monde, dont 5 millions en France -, qui est ce que l’on appelle de la romance décomplexée, un dérivé de “Cinquante nuances de Grey”.
Au départ, on a un livre qui va être adapté à l’écran. Promotion, visibilité, c’est souvent sur les réseaux sociaux que ça se passe, sur Tik Tok ou via quelques influenceurs. Un ado entend parler de la saga et regarde les premiers épisodes sur Amazon Prime Video. En parallèle, une version est déclinée en roman graphique. “After” va aussi être adapté en webtoon, des BD numériques à faire défiler sur smartphone. Souvent le point d’accroche, c’est l’identification aux personnages.
Dans un deuxième ou troisième temps, l’ado devient tellement fan qu’il va lire les cinq tomes de l’édition papier… soit 2 500 pages. C’est un schéma que l’on retrouve pour les séries qui marchent bien aujourd’hui, les fictions de l’imaginaire. Tout ce qui est dystopie, uchronie, fantasy, post-apocalyptique, là où les “jeunes lecteurs” se retrouvent dans des logiques d’évasion et d’invention. C’est ce qui avait fait le succès, il y a quelques années, des best-sellers “Twilight”, “Hunger Games”, “Divergente” ou encore “Labyrinthe”.
Pour les adolescents, les mondes ne sont pas cloisonnés, bien au contraire. On est dans des logiques de rebonds, de portes que l’on entrouvre. “Illusions perdues”, le film de Xavier Giannoli, a donné envie de lire Balzac, résultat, en quelques mois rupture de stock chez l’éditeur qui n’avait absolument pas anticipé ce regain d’intérêt.
Cette génération d’adolescents est à l’image de son approche des supports. Elle passe de l’un à l’autre. Elle glisse, fait défiler les narrations, rebondit. Une génération insaisissable et imprévisible. Vivante donc.

Le stop du hamster
C’est samedi soir que Alice m’a montré son téléphone portable. « Je suis super contente, je n’en pouvais plus des smartphones hyper sophistiqués… et donc voilà, je me suis acheté un Nokia 3310, un dumb phone. »
On a regardé dans le creux de sa main, ce tout petit téléphone jaune à touches, en ne comprenant pas son choix. Au début des années 2000, on avait eu un Nokia comme celui-ci, c’est un des modèles qui s’est le plus vendu au monde.
Et il fut rapidement populaire pour les SMS, car il offrait la possibilité d’en envoyer du double de la taille d’un SMS standard. On pouvait même composer des numéros à la voix, plutôt qu’au clavier. Et puis il y avait le petit plus, le 3310 proposait 4 jeux dont Snake 2 où il fallait faire slalomer un serpent, pendant des heures, pour éviter qu’il ne se mange sa queue.
Mais c’était il y a vingt ans, et depuis, les smartphones sont devenus tellement plus performants, plus intelligents, au point de devenir complètement indispensables, addictifs… même si, aujourd’hui, la fonction téléphone n’est que peu utilisée.
Alors, comment expliquer ce retour des dumb phones ou téléphones idiots ? Car il s’agit bien d’une réelle tendance. Avec des ventes qui ont complètement explosé dans le monde : 400 millions d’unités écoulées en 2019, un milliard, l’année dernière.
En Angleterre, une personne sur dix utiliserait un de ces téléphones basiques. Est-ce qu’il s’agit du même phénomène que l’on a vu apparaître avec les platines vinyle ? On peut y voir une nostalgie, un phénomène de mode. Ou peut-être plus simplement un besoin de sobriété, de minimalisme. La prise de conscience du côté intrusif des smartphones.
Combien de fois on a constaté que nos données étaient immédiatement récupérées et diffusées à la suite d’une recherche pour une montre ou un livre !
Et Alice de terminer sa démonstration :
« Toutes les applications que j’avais sur mon iPhone ne me servaient à rien et puis cette course à la nouveauté pour des appareils qui coûtent, quand même, une fortune et que tu changes tous les deux ans, ça n’avait plus de sens. »
« Ça peut paraître à contre-courant, mais j’avais le sentiment de toujours courir après ce progrès technologique qui court plus vite que moi… comme un hamster dans sa roue !
Avec mon Nokia 3310, je retrouve une forme de maîtrise de mon temps, et je peux te dire que ça fait un bien fou. Quand tu tapes un message avec ce genre de clavier, vu le temps que ça prend, c’est vraiment que ton message est important ! »
Vous avez tout vu !
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