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Pauses by Noise

Retrouvez-nous, un jeudi sur deux, pour une Pause by Noise.

J'emballe

J'emballe

Ça a commencé par un livre, un gros livre trouvé il y a dix ans, dans un vide-grenier normand. Et puis est arrivée la décision de le vendre pour faire de la place. Alors on a rédigé une annonce sur Le Bon Coin. Et rapidement, il a intéressé quelqu’un, le Larousse gastronomique de 1937 à 35 €.

Et c’est là que la bonne question est arrivée : “Et je l’emballe comment le livre, pour qu’il arrive en bon état ?” À La Poste ça n’allait pas, les boîtes d’envoi étaient, soit trop petites, soit trop grandes. Alors, on a récupéré du carton et confectionné un paquet. En apportant beaucoup de soin. À l’inverse d’un livre d’occasion, un bouquin photo recherché depuis longtemps, reçu emballé dans une boîte à pizza à peine nettoyée.

En général, on adapte l’emballage à ce qu’il y a dedans. Plus c’est cher et précieux, et plus tu peux mettre du papier de soie, des enveloppes de couleurs, un papier bulle qualitatif. Pour un truc à 3 €, c’est juste une enveloppe kraft.

Et puis un jour, il a bien fallu se rendre à l’évidence, le vrai plaisir n’était plus de vendre un livre ou un objet, mais bien de personnaliser le paquet. Couleur des rubans adhésifs, qualité des cartons. “Car quand tu reçois un colis, c’est un peu la personne qui te l’a envoyé, que tu rencontres, c’est très mystérieux.” Voire “La façon dont tu disposes le ruban adhésif, c’est un peu comme le lapsus ou l’acte manqué en psychanalyse, ça dit quelque chose de toi !”.

Depuis, on ne peut plus se balader dans la rue sans récupérer des cartons, véritables trésors arrachés aux hommes en vert des camions poubelles. Dans l’appartement, un espace près de l’escalier est même dédié aux cartons, classés par format, par épaisseur, aux enveloppes et aux rubans de couleur.

La confection du paquet est devenue tout un rituel avec les bons outils pour découper le carton. Avec le ruban adhésif rose fluo qui est comme notre signature, notre “marque commerciale”.

On s’est même posé la question d’ouvrir un compte Instagram pour poster nos plus belles réalisations. C’est dire l’addiction !

Je me regarde pour que tu me regardes

Je me regarde pour que tu me regardes

Sept millions de Français fréquentent les clubs de fitness. 50 000 salles en Europe. Il fut un temps pas si lointain, où le muscle était un spectacle de foire. Aujourd’hui, l’esthétique du corps musclé s’impose à l’ensemble de la société.

Ce n’est plus une étrangeté, c’est même devenu la norme. Le muscle s’est généralisé, démocratisé, il a même franchi la barrière des genres et n’est plus réservé aux seuls hommes en recherche de virilité apparente. 

Alors que pendant des décennies, le modèle pour se construire une image de soi, était le cinéma hollywoodien, les réseaux sociaux sont venus booster le phénomène. Car ce qui compte, c’est ce qui est vu sur l’écran de smartphone...

« Et là, je fais un selfitness. » Les pectoraux, les biceps, et le Graal, pour les mecs, les abdos apparents dans le miroir de la salle.  « Me regarder, me regarder encore, te regarder pour voir si tu me regardes… ! »

Pour les filles, l’influence des fit-girls a été tout aussi impressionnante. Des filles accros au fitness qui postent leurs entraînements et mettent en scène leur corps musclé. L’affirmation de soi. « Je sue, donc je suis ! C’est mon corps, je fais ce que je veux ! » Avec des standards esthétiques développés par la télé-réalité.

On le constate tous les jours et peut-être encore plus après le confinement où tout était flou, sans visibilité… le seul élément palpable que l’on a sous les yeux et que l’on peut contrôler, maîtriser, centimètre par centimètre, c’est son corps.

« Quand la perte de sens devient réelle ou le boulot sans intérêt… la possibilité d’avoir quelque chose que tu peux valoriser en capital, comme un artisan qui façonne un objet de ses mains, eh bien, c’est très stimulant. » Le travail du corps permettrait donc de compenser ce que tu ne trouves pas dans ton quotidien professionnel ! 

La tentation est forte d’aller au-delà de ses limites et d’être fasciné par la puissance que renvoie ce corps travaillé, sculpté. Le muscle déborde et parfois transforme l’adepte de salle de fitness, en un phénomène exhibé, comme au siècle dernier !

À trop se concentrer sur leurs abdominaux, certains hommes en oublieraient de se regarder !

Et le Roi fut

Et le Roi fut

“O Rei”, le Roi Pelé est mort, quelques jours après Noël.
C’est une légende planétaire qui vient de disparaître. Et plus de cinquante après le triomphe de la 3e Coupe du monde pour le Brésil, au stade Maracaña de Rio de Janeiro, Pelé reste le joueur de football le plus emblématique de tous les temps. Le monarque absolu du ballon rond qui a propulsé ce sport à l’échelle mondiale.

Comment expliquer cette notoriété incomparable ? Peut-être, parce que la carrière de Pelé a tout d’une marque internationale. Alors bien sûr qu’au départ, il y a le football.

Pelé a une technique incroyable, ce jeu offensif, personnel qui sera sa marque de fabrique, mais tous les joueurs à ce niveau ont une technique incroyable. Donc il faut plus, beaucoup plus.

Et puis le nom, ou plutôt le surnom. Pelé s’appelait Edson Arantes do Nascimento. Un surnom donné dès l’enfance et qui va le suivre. Là aussi, un nom qui sonne comme une marque, simple, quatre lettres universelles comme Nike. Aucun autre joueur n’est affublé d’un surnom qui supplante le nom. C’est en 1958, alors qu’il n’a que 17 ans que « Paris Match » le décrète roi… le Roi Pelé. L’élu !

Un numéro de maillot, le 10, qui deviendra avec lui, un numéro légendaire, celui que tous les grands footballeurs veulent porter. Maradona, Platini, Zidane ou Messi : tous ont porté le fameux numéro 10 durant leur carrière.

Une couleur, celle de la tenue de l’équipe du Brésil, jaune avec short bleu. Pelé, un « trésor national non exportable » restera fidèle au Brésil, et ce malgré les offres dithyrambiques des clubs européens. Il n’y a qu’à la fin de sa carrière, dans les années 1970 qu’il rejoindra les Cosmos. Le roi sera alors new-yorkais et ambassadeur dans un pays qui ne connaît pas le football.

Pelé sera le premier footballeur noir à atteindre un tel niveau de notoriété. Pour les Européens, c’est un mélange de modernité, de bossa-nova et d’exotisme. En Afrique, c’est un frère, l’équivalent de Mohamed Ali qui se bat pour la cause noire.

Le sacre au stade Maracanã, en 1970, c’est une image télévisée, la première Coupe du monde diffusée en mondovision. Des millions de téléspectateurs vont découvrir un Brésilien au sommet de sa gloire, Pelé.

Enfin, il y a la personnalité de Pelé qui n’est pas clivante, contrairement à Maradona ! Il ne prend pas position politiquement, tout le monde peut s’identifier à la star du ballon rond.

À la veille de la Coupe du monde de 2014, Pelé commentait (à la troisième personne) son parcours extraordinaire : « Dans toutes les comparaisons qu’on fait entre Pelé et les autres joueurs – Maradona, Messi, Zidane, Cruyff –, il y a toujours un détail, un petit quelque chose, un élément quelconque qui vient faire la différence. »

Toutes les cases sont cochées pour que la “marque Pelé” entre dans l’histoire. Sa mort ne peut que renforcer le mythe, car les légendes ne meurent jamais.

Hissez haut les couleurs...

Hissez haut les couleurs...

À l’occasion de la coupe du monde de football au Qatar, c’est devenu le signe graphique qui fâche tout le monde. Les organisateurs font tout pour l’interdire pendant que les joueurs, les supporters et les médias font preuve d’inventivité pour lui donner de la visibilité. Le Rainbow Flag marque par sa présence la première semaine de compétition.

L’année dernière, la question était déjà sur la table quand le président hongrois, Viktor Orbán, avait adopté une loi homophobe interdisant toute représentation de l’homosexualité, assimilée à la pédophilie. La ville de Munich avait alors proposé d’éclairer son stade aux couleurs de l’arc-en-ciel LGBTQ+ durant le match Allemagne-Hongrie. Refus de l’UEFA au motif que le sport devait rester neutre, apolitique. 

Mais ce drapeau arc-en-ciel, ce symbole de la communauté LGBTQ+, d’où vient-il ?

Au départ, on trouve Harvey Milk, le premier homme politique américain à déclarer ouvertement son homosexualité. On est en 1978 à San Francisco, et celui-ci contacte Gilbert Baker, un ancien soldat et jeune activiste politique, pour qu’il crée un drapeau à l’occasion du défilé de la journée des libertés gaie et lesbienne.

Parmi les possibles sources d’inspiration, Gilbert Baker évoque une chanson, « Over the rainbow », interprétée dans le film « Le Magicien d’Oz » en 1939, par Judy Garland. Celle-ci deviendra très vite une icône de la communauté gay. À la fin des années 70, il n’y avait pas de signe symbolique fort fédérant la communauté homosexuelle. Au XIXe siècle, l’écrivain Oscar Wilde portait un œillet vert à la boutonnière, mais ce symbole restait trop anecdotique.

À l’origine, le drapeau comportait huit bandes de couleurs différentes : le rose vif, le rouge, l’orange, le jaune, le vert, le turquoise, l’indigo et le violet. Le 27 novembre 1978, Harvey Milk est assassiné. Un immense défilé est organisé dans les rues de San Francisco, le Rainbow Flag est dans toutes les mains. Ce drapeau va rapidement se répandre dans le monde entier.

« Même si nous ne sommes pas un pays ou une nation, nous sommes une sorte de peuple et le drapeau, dans l’utilisation qu’on en fait, donne du pouvoir, dit quelque chose, plus que le logo ou le slogan », précisait Gilbert Baker.

Pour cette coupe du Monde 2022, le Rainbow Flag est devenu le symbole de la discorde, et les réactions se sont multipliées. Les Allemands vont se couvrir la bouche tandis que les Anglais mettront un genou à terre. Le Rainbow Flag est apparu, discrètement, sur les chaussures des joueurs belges, sur les maillots d’entrainement des Japonais et des personnalités politiques du monde entier n’ont pas hésité à le porter. Autre manifestation de l’effet Garland, on n’aura jamais autant parlé du Rainbow Flag qu’en voulant l’interdire.

La vague podcasts

La vague podcasts

Qu’ils soient conçus et réalisés par des marques (relativement récemment), par des adolescents dans leur chambre ou par des conteurs professionnels, les podcasts séduisent de plus en plus d’auditeurs, grâce à une offre diversifiée, ouverte à tous les sujets, du fait divers à l’absence même de sujet !

En 2022, un Français sur trois écoute au moins un format audio par mois. Le podcast est le support idéal pour passer le temps dans les transports en commun, en préparant un dîner ou en allant courir. On le découvre, on en parle autour de soi, on le recommande comme le dernier roman que l’on vient de terminer.

En 2001, le Donjon de Naheulbeuk créé par John Lang et diffusé gratuitement sur Internet rencontrait un franc succès. Aujourd’hui considéré comme le point de départ de ce qui deviendra le podcast, en France. Et tout s’accélère. En 2002, Arte Radio lance le premier site de podcast français. Avec un slogan qui résume bien la nouvelle offre : « Nous proposons, vous piochez ! » Mais, ces années-là, l’univers du podcast reste encore confidentiel.

Et puis, en 2010, les radios institutionnelles, comme les stations de Radio France, s’y sont intéressées. Tout est allé alors très vite. Avec des podcasts replay qui mettent à disposition des auditeurs des émissions déjà diffusées. Mais également des podcasts natifs qui sont de véritables créations sonores destinées uniquement au web.

Pourquoi un tel engouement du public ? Tout d’abord, 77 % de la population âgée de 15 ans ou plus possède un smartphone. Il est donc très facile d’écouter un podcast, tout en faisant autre chose. Et au-delà de la facilité d’accès, beaucoup se disent fatigués d’une sollicitation visuelle devenue permanente et l’audio repose. L’essor définitif du podcast trouve aussi son origine dans les périodes de confinement des années 2020 et 2021.

Avec le podcast, les auditeurs ont le sentiment d’avoir une relation privilégiée avec l’hôte qui parle. Comme s’il était avec un ami. D’évidence, « l’écoute du podcast adoucit les mœurs », ajoute la directrice du Paris Podcast Festival qui a fêté, en octobre, sa 5e édition.

La rançon du succès : le podcast est devenu incontournable pour les marques. L’identité audio, au même titre que l’identité visuelle ou l’identité sonore, leur permet de dire autrement qui elles sont. Le bilan est clair. Aujourd’hui, un podcast natif sur deux est un podcast de marque.

Argument de poids supplémentaire, le podcast se mémorise bien mieux (quatre fois plus) que les autres formats numériques, et fidélise en douceur les auditeurs. D’ailleurs à propos de douceur, nous aussi nous diffusons nos podcasts… Écoutez donc noise.fr/pauses

Image animée montrant un colis en carton qui est très vite recouvert d'étiquettes rouges et blanches pour alerter sur sa manipulation à effectuer avec soin.
Le papier fait un carton !

Le papier fait un carton !

On nous a dit qu’il n’y avait plus d’huile de tournesol…la faute à Poutine. Il n’y a plus de moutarde non plus, c’est la faute à la sécheresse au Canada… et le papier, on nous dit qu’il n’y en a plus, mais sans savoir pourquoi !

Dominique Bordes, fondateur de la maison d’édition bordelaise “Monsieur Toussaint Louverture”, réputée entre autres pour ses couvertures et la qualité de ses ouvrages, se disait, il y a quelques semaines à la radio, hyper inquiet pour la rentrée littéraire. Il a même reporté certains livres à cause de la pénurie et du prix du papier qui ne cesse d’augmenter. “Et oui, nous en sommes là !”

Le papier, c’est au poids, comme chez le boucher. On achète à la tonne, donc beaucoup d’éditeurs ont déjà fait le choix de baisser le grammage, ce qui veut dire imprimer des papiers plus fins pour préserver le nombre de pages. Mais certaines revues, sont déjà en cure d’amincissement, réduisant leur pagination de 20 % à 25 %. Une pagination moindre, un papier moins épais, c’est aussi moins lourd à transporter donc moins onéreux en coût de transport... important… alors que le prix des carburants est à la hausse, à la très forte hausse.

L’ampleur des dégâts parle d’elle-même. Depuis début 2021, le prix de la tonne de papier à destination de la presse a augmenté de plus de 70 %. Le Monde, Les Echos, Le Journal du Dimanche ou Le Figaro ont répercuté sur le prix au numéro, une hausse de 20 centimes.

Sachant qu'à la fin de l’année 2023, il ne restera plus qu’une seule machine à papier journal en France, cette hausse n’est pas près de fléchir !

Pour expliquer les tensions sur l’approvisionnement et les augmentations, on a parlé du Covid, d’un ralentissement de l’activité, puis d’une demande plus forte que l’offre.

Tout cela, en fait, a été précipité par les rachats, les concentrations et la mutation des usines françaises de pâte à papier et de transformation. En 2006, les papiers à usage graphique représentaient 43 % de la production totale française et 45 % allaient aux papiers emballages. En 2021, les premiers ne représentent plus que 17 %, contre 66 % pour les seconds.

Eh oui, pour acheminer les millions de colis Amazon, il a bien fallu trouver du carton, rendant ainsi sa fabrication plus rentable que celle du papier.

En cette rentrée, les gros éditeurs ont fait des stocks et ne sont pas trop inquiets, même si le coût exponentiel du papier pèse de plus en plus lourd pour eux. Par contre, les petites maisons d’édition qui achètent le papier directement à leur imprimeur, n’ont pas de visibilité quant à la pérennité de leur production …

Viendra le temps où ils n’auront pas d’autre choix que d’augmenter le prix des livres. Ou même de ne pas imprimer du tout… comme “Monsieur Toussaint Louverture”.

Lecture ou lectures ?

Lecture ou lectures ?

Il y a toujours quelque chose qui coince avec les ados, en gros, ça ne va jamais ! Il fut un temps, lointain, où les adultes s’inquiétaient de les voir passer trop de temps le nez dans les livres. Et puis ce fut la télévision, « Tu regardes trop la télévision, tu t’abrutis ». Puis les jeux vidéo. Aujourd’hui, ce sont des adolescents qui seraient rivés H24 à leur écran de portable. « Et vous savez quoi, Monsieur ? Eh bien, les jeunes ne lisent plus ! »

Pourtant, quand on regarde d’un peu plus près, on constate que les choses ne sont pas aussi simples. Et que cela va même à l’encontre des idées reçues.

En mars dernier, un sondage commandé par la profession du livre en a étonné plus d’un. Les adolescents de la génération Z lisent plus que ceux du début du XXIe siècle. Les chiffres sont là et traduisent une vraie tendance. Alors que les 13-19 ans possèdent en moyenne trois écrans personnels (smartphone, console, ordinateur…), ils lisent plus de trois heures par semaine et consacrent treize minutes de plus à la lecture, qu’il y a six ans. « Hé oui, figurez-vous, Madame, qu’il paraît que les jeunes lisent de plus en plus. »

Alors, comment cette inversion de tendance s’explique-t-elle ? Le cas d’école, c’est “After”, le phénomène littéraire jeunesse - plus de 12 millions d’exemplaires vendus dans le monde, dont 5 millions en France -, qui est ce que l’on appelle de la romance décomplexée, un dérivé de “Cinquante nuances de Grey”.

Au départ, on a un livre qui va être adapté à l’écran. Promotion, visibilité, c’est souvent sur les réseaux sociaux que ça se passe, sur Tik Tok ou via quelques influenceurs. Un ado entend parler de la saga et regarde les premiers épisodes sur Amazon Prime Video. En parallèle, une version est déclinée en roman graphique. “After” va aussi être adapté en webtoon, des BD numériques à faire défiler sur smartphone. Souvent le point d’accroche, c’est l’identification aux personnages.

Dans un deuxième ou troisième temps, l’ado devient tellement fan qu’il va lire les cinq tomes de l’édition papier… soit 2 500 pages. C’est un schéma que l’on retrouve pour les séries qui marchent bien aujourd’hui, les fictions de l’imaginaire. Tout ce qui est dystopie, uchronie, fantasy, post-apocalyptique, là où les “jeunes lecteurs” se retrouvent dans des logiques d’évasion et d’invention. C’est ce qui avait fait le succès, il y a quelques années, des best-sellers “Twilight”, “Hunger Games”, “Divergente” ou encore “Labyrinthe”.

Pour les adolescents, les mondes ne sont pas cloisonnés, bien au contraire. On est dans des logiques de rebonds, de portes que l’on entrouvre.  “Illusions perdues”, le film de Xavier Giannoli, a donné envie de lire Balzac, résultat, en quelques mois rupture de stock chez l’éditeur qui n’avait absolument pas anticipé ce regain d’intérêt.

Cette génération d’adolescents est à l’image de son approche des supports. Elle passe de l’un à l’autre. Elle glisse, fait défiler les narrations, rebondit. Une génération insaisissable et imprévisible. Vivante donc.

Le stop du hamster

Le stop du hamster

C’est samedi soir que Alice m’a montré son téléphone portable. « Je suis super contente, je n’en pouvais plus des smartphones hyper sophistiqués… et donc voilà, je me suis acheté un Nokia 3310, un dumb phone. »

On a regardé dans le creux de sa main, ce tout petit téléphone jaune à touches, en ne comprenant pas son choix. Au début des années 2000, on avait eu un Nokia comme celui-ci, c’est un des modèles qui s’est le plus vendu au monde.

Et il fut rapidement populaire pour les SMS, car il offrait la possibilité d’en envoyer du double de la taille d’un SMS standard. On pouvait même composer des numéros à la voix, plutôt qu’au clavier. Et puis il y avait le petit plus, le 3310 proposait 4 jeux dont Snake 2 où il fallait faire slalomer un serpent, pendant des heures, pour éviter qu’il ne se mange sa queue.

Mais c’était il y a vingt ans, et depuis, les smartphones sont devenus tellement plus performants, plus intelligents, au point de devenir complètement indispensables, addictifs… même si, aujourd’hui, la fonction téléphone n’est que peu utilisée.

Alors, comment expliquer ce retour des dumb phones ou téléphones idiots ? Car il s’agit bien d’une réelle tendance. Avec des ventes qui ont complètement explosé dans le monde : 400 millions d’unités écoulées en 2019, un milliard, l’année dernière.

En Angleterre, une personne sur dix utiliserait un de ces téléphones basiques. Est-ce qu’il s’agit du même phénomène que l’on a vu apparaître avec les platines vinyle ? On peut y voir une nostalgie, un phénomène de mode. Ou peut-être plus simplement un besoin de sobriété, de minimalisme. La prise de conscience du côté intrusif des smartphones.

Combien de fois on a constaté que nos données étaient immédiatement récupérées et diffusées à la suite d’une recherche pour une montre ou un livre !

Et Alice de terminer sa démonstration :

« Toutes les applications que j’avais sur mon iPhone ne me servaient à rien et puis cette course à la nouveauté pour des appareils qui coûtent, quand même, une fortune et que tu changes tous les deux ans, ça n’avait plus de sens. »

« Ça peut paraître à contre-courant, mais j’avais le sentiment de toujours courir après ce progrès technologique qui court plus vite que moi… comme un hamster dans sa roue !

Avec mon Nokia 3310, je retrouve une forme de maîtrise de mon temps, et je peux te dire que ça fait un bien fou. Quand tu tapes un message avec ce genre de clavier, vu le temps que ça prend, c’est vraiment que ton message est important ! »

Appel à déserter

Appel à déserter

Ils sont huit à être montés sur scène dans une ambiance festive. Quatre garçons et quatre filles, étudiants et étudiantes à AgroParisTech, la prestigieuse école d’ingénieurs agronomes. Ils ont été formés pour exercer leur métier dans les secteurs de la transformation agro-industrielle, des ressources agricoles et forestières, des biotechnologies.

C’était le 30 avril dernier et la direction de l’école ne s’attendait pas au discours que les nouveaux diplômés avaient préparé. Comme une mise au point définitive ! Un discours appelant à déserter les emplois qui leur étaient réservés. Un discours de combat, un discours de refus et de prise de conscience.

« Ce que nous voyons, c’est que l’agro-industrie mène une guerre au vivant et à la paysannerie, partout sur terre. AgroParisTech forme, chaque année, des centaines d’élèves à travailler pour l’industrie, de diverses manières : trafiquer en labo des plantes pour des multinationales qui renforcent l’asservissement des agriculteurs ; concevoir des plats préparés et des chimiothérapies pour soigner ensuite les maladies causées ; inventer des labels “bonne conscience” » Dans la salle, certains sont médusés, beaucoup applaudissent  cette bifurcation qui marque les esprits et ne laisse personne indifférent. « Nos métiers sont destructeurs, il est temps d’agir ! »

En quelques jours, la vidéo va être massivement relayée, plus de 400 000 vues sur YouTube. « Ne perdons pas notre temps, ne laissons pas filer cette énergie qui bout en nous. Désertons, avant d’être coincés par les obligations financières. »

Alors que vont-ils faire demain ? Ils vont venir parler de leur conversion, ce que seront les jours prochains. L’une fait déjà de la culture vivrière à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, un autre prépare son installation comme apiculteur dans le Dauphiné, l’une vient de rejoindre le mouvement “Les Soulèvements de la terre”, contre l’accaparement des terres agricoles, un garçon vit à la montagne en faisant un boulot saisonnier, deux s’installent dans une ferme collective.

Il y a quelques jours, ce sont 150 étudiants des Écoles normales supérieures qui, à leur tour, ont pris la parole dans une tribune du Monde intitulée “Alignons notre pratique scientifique sur les enjeux impérieux de ce siècle”, et dans laquelle ils posent cette question : « Que restera-t-il du vivant à étudier, si nous n’avons rien fait pour l’empêcher de s’effondrer ? »

Quelque chose bouge. C’est toute une génération, du moins une partie, qui aujourd’hui, déserte la carrière qui leur était destinée et ose dire non à un système économique prêt à leur offrir de gros salaires. Un autre monde est possible, dit-on, ces jeunes gens l’entrevoient et c’est plutôt encourageant !

Cultiver la terre autrement

Cultiver la terre autrement

Un jour de 2006, Charles et Perrine Hervé-Gruyer se sont arrêtés dans un petit village de la vallée de la Risle, en Normandie. Le Bec-Helloin, connu pour une abbaye bénédictine où les moines cultivent des produits du terroir.

Juriste internationale dans un cabinet d’avocats, Perrine a vécu au Japon et a gardé quelque chose de la philosophie des jardins japonais. De son côté, Charles était marin éducateur et emmenait des enfants faire le tour du monde. Et cela faisait déjà un moment, que tous les deux avaient du mal avec les incohérences de nos modes de vie.

Sans doute aussi le fantasme du retour à la terre. Alors dans ce petit village normand, ils ont acheté un herbage de quelques hectares avec des vaches. Là où personne ne faisait de maraîchage.

Charles et Perrine Hervé-Gruyer ne sont pas agriculteurs, mais citadins… et manifestement visionnaires : « Comment faire pour survivre de façon la plus autonome possible, en étant le plus économe possible dans sa relation à la nature, tout en se passant du pétrole ? » Il ne s’agit pas de revenir au Moyen Âge, mais plutôt de réfléchir à mettre en place des techniques permettant l’autonomie.

Ils vont alors s’intéresser à la permaculture (un mot-valise pour permanent et culture). Un système théorisé et mis en pratique en Australie dans les années 1970. Quelque chose qui ressemble à l’association et à la complémentarité des cultures que pratiquaient les maraîchers parisiens au XIXe siècle pour fournir les halles.

Au fil des années, leur pratique va se développer, s’enrichir et devenir un véritable laboratoire d’expérimentations à ciel ouvert. « Un agriculteur qui a un tracteur, quand il tourne la clé de contact, il a la puissance de plusieurs centaines d’êtres humains qui travaillent pour lui instantanément et à faible coût. Nous, on a choisi de se passer de ça. Est-ce que ça veut dire qu’on est tout nus, désarmés, très faibles pour autant ? Eh bien finalement, non. Parce qu’on s’appuie sur d’autres formes d’énergie, d’autres puissances, d’autres forces. »

Il va falloir une dizaine d’années à Charles et Perrine Hervé-Gruyer pour mettre au point tout un écosystème extrêmement riche. Nouvelles techniques, nouvelles approches : la ferme du Bec-Helloin va devenir ainsi une référence internationale incontournable. Et c’est des quatre coins du globe que l’on va venir s’enrichir de leur pratique de la permaculture.

En 2019, ils publieront chez Actes Sud un ouvrage conséquent sur la permaculture, “Vivre avec la terre”, qui va rapidement devenir un best-seller. Car tout semble donner raison au couple précurseur du Bec-Helloin. Il va nous falloir apprendre l’autonomie, car il est largement temps d’inventer une nouvelle manière de cultiver la terre.

L'effet barquette

L'effet barquette

Personne n’avait fait le lien. Qui aurait pu imaginer, fin février, que l’invasion de l’Ukraine par la Russie allait avoir comme conséquence directe… de remettre en cause l’existence même de la barquette de frites ?

Deux mois après le début de la guerre, les rayons d’huile des supermarchés sont en partie vides. Et l’on a vu fleurir des affichettes annonçant « Pas plus de deux bouteilles d’un litre d’huile de tournesol, par personne ».

La raison est toute simple, l’Ukraine est le plus grand producteur d’huile de tournesol, soit 50 % des exportations mondiales. Avec la guerre aux portes de l’Europe, la fourniture des 200 000 tonnes mensuelles d’huile de tournesol a été stoppée, dès le début du mois de mars.

Alors, depuis quelques jours, c’est une “drôle de quête” que les professionnels de la frite mènent au quotidien. Trouver de l’huile, coûte que coûte ! Contacter tous les fournisseurs, traquer la moindre piste, être en alerte permanente, se déplacer immédiatement, dès que l’on entend parler d’un point de vente approvisionné.

« Ce n’est pas compliqué ! On est passé de 30 euros le bidon, à 75 euros. Et chez certains fournisseurs, la barre des 100 euros a été dépassée ! » Les grossistes ont été contraints de rationner. Chez Metro, c’est 2 bidons de 25 litres par personne et par jour, pas plus. 

Au point que les restaurateurs et les friteries se retrouvent à devoir proposer à leurs clients des alternatives aux produits frits.

Le prix de la barquette s’en ressent, 4 euros, à la place de 3,50 euros.

« Et le client ? Comment réagit-il ? »

« Les gens comprennent, mais ça ne règle pas le problème de l’approvisionnement, je ne trouve pas d’huile ! »

Chez nos voisins britanniques, c’est un véritable symbole qui se retrouve menacé par la crise, le fish and chips. Entre 30 % et 40 % du poisson utilisé pour les fish and chips venaient de Russie. Faute d’huile ukrainienne, le poisson frit enveloppé dans du papier journal fait défaut, outre-Manche.

C’est peut-être ce que l’on appelle l’effet papillon… qui en dit long sur l’extrême fragilité de nos systèmes économiques. « Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? » 

Au-delà de la pénurie d’huile, c’est l’incertitude qui refait surface. Isabelle, de la friterie des puces de Vanves l’évoque avec inquiétude : « Avec cette histoire d’huile, on ne peut pas se projeter sur le long terme, car personne ne sait comment les choses vont évoluer. Aujourd’hui, je travaille sans même savoir si je vais gagner quelque chose ! »

Quand les perspectives de vie tiennent dans une barquette de frites, sauce Samouraï !

Jamais content !

Jamais content !

C’est souvent quand on débarque à l’aéroport de Roissy, après avoir passé quelques semaines à l’étranger, que l’on fait le constat… le Français n’est jamais content. “La France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer !” selon le bon mot de l’écrivain voyageur Sylvain Tesson.

Ça ne va jamais, toujours ça critique, ça se révolte, ça manifeste pour tout. Le Français est râleur, il fait la gueule. Le tout, ponctué d’un truc intraduisible, le “rrrhhh” dans la gorge. Ces derniers jours, pour le second tour de l’élection présidentielle, les Français ont réélu le président sortant Emmanuel Macron, mais ils sont près des trois quarts à vouloir, dès demain, une Assemblée nationale de gauche. Jamais contents !

On a en tête la chanson d’Alain Souchon.

“Elle me dit que j’pleure tout le temps
Que j’suis comme un tout p’tit enfant
Qu’aime plus ses jeux, sa vie, sa maman
Elle dit que j’pleure tout le temps
Que j’suis carrément méchant
Jamais content
Carrément méchant
Jamais content”

Nous sommes un peuple de boudeurs, de rouspéteurs, de chouineurs. Ça ferait partie de nos gènes. On ne compte plus les articles de Courrier International qui épinglent ce trait de caractère. “Ça ne va jamais, et même quand ça va, ça pourrait aller mieux !” 

Lorsqu’on demande aux Français de résumer leur état d’esprit, les mots “incertitude”, “inquiétude” et “fatigue” arrivent en tête. Le Français n’est pas optimiste.

En parallèle, les pays les plus optimistes ne sont pas les plus avancés économiquement. Les premières places sont occupées par le Nigeria, les Fidji, l’Inde et le Pakistan. 

La nostalgie, c’est peut-être ce qui nourrit ce sentiment. La nostalgie d’une époque fantasmée, glorieuse et prospère. Un sentiment de déclassement sur la scène internationale qui n’est pas si éloigné du déclassement individuel, éprouvé au quotidien par la classe moyenne. “C’était mieux avant !”

Depuis les années 1980, la “dépression française” se nourrit d’un chômage élevé, des inégalités qui se creusent, de l’insécurité, d’une immigration médiatisée, de la pollution, de la météo, en gros de tout… Comme dans les autres pays, les Français ont de bonnes raisons d’avoir des craintes. 

Mais il y aurait autre chose. Un quelque chose que les autres n’ont pas et qui ferait partie de notre mode de vie. Ce quelque chose que les Anglais ou les Américains ne comprennent absolument pas, c’est que se plaindre aurait une fonction sociale. Râler serait un tic de conversation culturelle, un truc typiquement français pour engager un dialogue. En gros, quand on dit que ça ne va pas, c’est juste pour discuter. En fait, ça ne va pas si mal !

Et si tu demandes son avis à un Marseillais, il n’y a pas photo. Pour lui, le Français le plus râleur, c’est bien évidemment le Parisien qui n’a ni la mer ni le soleil. Et la conversation est engagée pour tout l’après-midi !

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