Un ticket pour la contrebasse
On repense à cette scène d’anthologie, dans “Buffet froid”, le film de Bertrand Blier.
On est à La Défense, la police vient d’arrêter arbitrairement un locataire qui ne comprend pas ce qui lui arrive.
« — Je suis un artiste, je suis musicien, je suis 3e violon à l’Opéra… »
« — Qu’est-ce t’as dit ? »
« — Je vous dit que je suis un simple musicien, un petit violoniste complètement insignifiant… »
« — Mettez lui les menottes, il n’y aura pas de violoniste dans cette tour, c’est une tour interdite aux musiciens, c’est une tour sans gamme et sans arpège… On ne veut pas devenir dingue avec ton archet qui va grincer quatre heures par jour sur trente étages… Ça me scie les nerfs moi le violon ! »
Il y a des lieux où, encore aujourd’hui, certains musiciens ne sont pas les bienvenus. Comme le train. C’est ce qui est arrivé à Sébastien B., un contrebassiste professionnel en froid avec la SCNF.
Et de contrebasse il est question puisque la limite fixée par la SNCF pour accepter les instruments de musique dans ses trains… est de 1,30 mètre. Une flute à bec, une trompette, oui, une contrebasse avec sa housse, c’est 1,90m… donc c’est non.
« — Mais monsieur le contrôleur, vous voyez bien que mon instrument ne prend pas plus de place qu’un vélo. D’autant que c’est mon outil de travail et pas un simple loisir. »
L’été dernier, une pétition “Autorisez les contrebasses dans les trains” a été signée par 45 000 personnes. La direction de la SNCF a été sollicitée à plusieurs reprises. Et depuis, rien, 1,30 mètre vous dis je !!!
« — Il n’y aura pas de contrebasses à bord des trains de la SNCF. »
Pourtant, une fois par mois, Sébastien B. se rend à Bruxelles. Il monte dans le Thalys où on l’accueille d’un « — Nous vous souhaitons un agréable voyage Monsieur. » Pas de souci de taille de contrebasse.
Mais en France, son quotidien de contrebassiste à bord des trains s’est assombri. Dans le meilleur des cas, c’est une amende de 50€. Option moins confortable, le contrebassiste et son instrument se sont vus débarqués sur le quai comme de petits délinquants resquilleurs. À 150 km de la salle de concert où il devait jouer le soir même.
Durant l’été, un contrôleur a même conseillé à Sébastien B. de changer de métier ou d’instrument.
« — Essayer le violon, ça sera beaucoup plus simple et plus pratique dans le train ! »
L’argument avancé en dernier recours tourne toujours autour de la sécurité.
« — Écoutez moi bien, c’est une histoire de sécurité à bord qui n’est pas garantie avec des encombrants aussi grands que votre contrebasse. On peut mettre n’importe quoi dedans. »
« — Oui, comme dans n’importe quelle valise volumineuse, non ? »
Le ministre des Transports a récemment été alerté de la situation, mais rien n’a changé.
On est en 2023, en France, et tous les musiciens peuvent prendre le train. Tout le monde peut voyager avec un gros chien, même s’il aboie pendant deux heures. Les surfs des neiges, les skis, les cannes à pêche, aucun problème !!!
Tout le monde peut prendre le train sauf les contrebassistes…