Un secret dérangeant
C’est fini, bouclé, terminé… et il faut bien l’avouer, on est complètement passé à côté du phénomène planétaire « Game of Thrones », la série d'heroic fantasy de la chaîne américaine HBO.
On avait pourtant fait des efforts en regardant en 2011 la saison 1. Mais on a bien vite été débordé par le nombre de personnages, la multiplicité des lieux, l’enchevêtrement des intrigues. Les arches narratives, chères aux séries à succès, qui se croisent et s’entrecroisent… au point de perdre pied. Alors on s’est rabattu tranquillement sur « Mad Men », peut-être plus accessible, l’univers de la publicité des années 1960, la vie de bureau et les aventures extraconjugales de Don Draper.
« Game of Thrones », « Twin Peaks », « Top of the Lake », « Six Feet Under », « The Wire », « Mad Men » ou « The Handmaid’s Tale »… il faut bien reconnaître que l’on s’attache terriblement aux personnages d’une série. On vit avec eux durant des années. Comme des amis proches, bien que virtuels, qui se confient.
Le développement sur plusieurs saisons permet aux scénaristes de travailler en profondeur la psychologie de chaque personnage. Terminé, l’époque où un personnage de film se contentait de ressembler à un stéréotype de flic, de voyou ou de notable de province. Dans le cinéma français, l’intrigue est réglée en 90 minutes par un réalisateur, qui depuis la Nouvelle Vague, est placé sur un piédestal.
Avec la série, c’est le scénariste qui est le chef d’orchestre, le showrunner tout-puissant, qui veille à ce que les histoires soient cohérentes dans le temps. Les questions sous-jacentes que posent les intrigues gagnent alors densité et en complexité.
Une complexité où le spectateur se reconnaît et qui cristallise de l’intime en chacun de nous. C’est un secret enfoui au plus profond qui va mettre du temps à remonter à la surface pour tout embraser.
« Game of Thrones » s’est achevé après huit saisons et 73 épisodes et d’après les échos de lointains héritiers de la saison 1 vont continuer leur chemin dans une série dérivée. Comme l’adulte d’aujourd’hui qui ne ressemble plus à l’ado découvrant huit ans plus tôt, l’univers sombre tiré de la saga de l’écrivain George R. R. Martin.
Quelque chose s’est éteint. Quelque chose qui s’était installé au milieu de l’ordinaire de notre quotidien. Qui avait trouvé une place et qui faisait écho à nos doutes, à nos fantasmes, à nos émotions. Des émotions vécues en direct et parfois à plusieurs.
Et c’est une forme de deuil qu’il faut accepter d’accomplir. De perdre des souvenirs, de perdre des proches qui nous ont accompagnés durant une partie de notre vie. Une vie qui semble aujourd’hui teintée de monotonie.