Quand le corps réapparaît…
On attendait ce moment avec impatience ! Au printemps, on avait laissé une maison dans le Berry, alors qu’on s’apprêtait à commencer la rénovation de la salle d’eau. Il y a quelques jours, on a passé un long week-end à redémarrer le chantier.
Sauf qu’entre-temps, pandémie de Covid-19 et confinement. Comme des millions de Français, on est resté devant notre ordinateur à travailler sur Zoom. Le peu d’exercice que l’on faisait, du yoga et un peu de vélo pour se déplacer dans Paris, tout ça a vite été oublié. Le corps est devenu quasi superflu. Qui ne sert pas à grand chose. Et c’est comme ça un peu partout dans le monde, nous sommes entrés dans l’ère de l’humanité assise !
Sans le remarquer, n’est resté de notre corps que le buste et le visage, visibles occasionnellement à l’écran. Cette crise n’aurait été, au fond, qu’un accélérateur de notre disparition charnelle.
En quelques jours, nous sommes devenus des hikikomoris occidentaux, ces adolescents japonais qui s’enferment dans leur chambre et qui n’en sortent plus, pendant des semaines, voire des mois… mais qui sont, en revanche, en lien avec le monde entier via les réseaux sociaux.
Disparition du corps d’un côté, et de l’autre extrême attention par peur d’attraper le Covid. Le corps comme lieu de tous les dangers, de toutes les menaces… alors qu’il avait déjà plus ou moins disparu.
Alors la semaine dernière, on s’est dit qu’il fallait commencé tôt pour avoir le temps de finir le sol de la salle d’eau, avant le déjeuner. On s’est dit que l’on allait être sur le chantier à 7 h 30. Une grande matinée pour découvrir et peaufiner la pose du carrelage. On avait tout prévu. Le matériel, la gourde d’eau, la radio.
Tout prévu, sauf qu’au bout de trente minutes, on a ressenti une douleur qui s’est manifestée avec insistance, qui s’est généralisée à tout le corps. On ne passe pas de l’écran de l’ordinateur à la maçonnerie, par un clic de souris. Poser du carrelage est particulièrement éprouvant pour les genoux, pour le dos et pour les bras qui tiennent à distance les carreaux à placer.
Au bout d’une heure de pose, on s’est relevé. On a soufflé, prenant conscience de quelque chose de simple, de très simple. Que l’on n’est pas seulement une tête pensante, un doigt à clic et un regard attentionné. On est aussi un corps, et ce corps, il faut l’entretenir, le soigner, le protéger, si l’on veut qu’il nous porte encore un moment. Ce corps, il nous appartient et il faut tout simplement l’aimer.