Parties de cache-cache chez Ikea
Ça commence toujours un peu de la même façon. Des jeunes qui se lancent un défi plus ou moins absurde. « On voulait faire un truc un peu dingue pour fêter notre diplôme ! »
On est en 2014 et après quelques verres de Gueuze, Bram et Florian, deux étudiants belges de Gand, imaginent le « Sleepover Ikea ». « Et si l’on se laissait enfermer toute la nuit dans le magasin ?! Elle est pas bonne, cette idée ? »
Ils filment leur “Nuit Ikea” et diffusent, dès le lendemain, la vidéo sur YouTube. Gros, gros succès avec plus de 2 millions de vues. Attrapant la balle au bond, la firme suédoise comprend le bénéfice qu’elle peut en tirer en termes d’image de marque.
Alors, elle communique pour surfer sur cette tendance en toute légalité. « Venez donc faire une partie de cache-cache dans notre magasin ! » Et là, très vite, tout part en vrille avec plus de 32 000 personnes souhaitant se cacher dans le magasin de Eindhoven, aux Pays-Bas.
Gros rétropédalage, au point que le géant du meuble en kit doit faire appel à la police et qu’il interdit, finalement, ce genre de rassemblement partout en Europe. « Même si nous apprécions que certaines personnes se plaisent à participer à des jeux dans nos magasins, nous n’autorisons pas ce genre d’activité, afin de pouvoir assurer un environnement sécurisé et une visite paisible à nos clients », réagit le directeur du magasin Ikea de Glasgow.
Sauf que depuis cinq ans, la balle est lancée, et qu’au grand désarroi du fabriquant d’étagères BILLY, des images de cache-cache apparaissent régulièrement sur les réseaux sociaux. Ce sont souvent des centaines de personnes qui répondent aux invitations postées sur Facebook pour se retrouver incognito à l’entrée des magasins, puis aller se glisser sous des couettes ou patienter des heures au fond d’un bac de doudous.
Par moment, ça dérape. « Là, Bryan, en sortant de l’armoire KVIKNE, il a poussé une cliente qui est tombée sur un coin de table JOKKMOKK et s’est fracturé le poignet. » Courant dans les allées, effrayant les clients qui n’y comprennent plus rien…
Mais qu’est-ce qu’il faut comprendre ? Qu’est-ce qui peut pousser des adultes à se cacher dans une armoire SÖDERHAMN, à se glisser sous un lit BRÅVIKEN ? L’excitation de l’interdit ?
Ou peut-être simplement l’envie de disparaître durant quelques minutes. De ne plus être en charge de sa vie. D’ouvrir une porte de dressing comme on passe de l’autre côté du miroir… « Mais alors, dit Alice, si le monde n’a absolument aucun sens, qui nous empêche d’en inventer un ? »