On fait quoi après l’effondrement ?
C’est en revoyant « Le jour d’après », le film de Roland Emmerich (sorti en 2004, quinze ans déjà), que le mot s’est imposé. Effondrement. Quand le sol de la banquise se brise, que tout bascule dans le chaos… que le monde s’effondre.
Depuis cinquante ans, on ne parle que de crises. En 1984, c’était l’émission de télévision « Vive la crise » d’Yves Montand. « Allez, les p’tits gars, on se remonte les manches ! ». Crises pétrolières, crises financières, crises économiques, crises sociales, crises migratoires, crises écologiques, crises politiques…
Alors c’est vrai qu’on s’était fait une grosse frayeur avec la guerre froide, le gros flip de la catastrophe nucléaire et de la destruction de la planète. Et puis le mur de Berlin est tombé en 1989 et la menace s’est éloignée pour un temps. Mais le réchauffement climatique a pris le relais…
Le mot « crise » n’a plus cours… car ce n’est pas une crise que nous vivons, ce qui sous-entendrait un possible retour à la normale. Non, là, c’est bien d’effondrement dont il s’agit… il n’y aura pas de retour en arrière, c’est bouclé.
Extinction massive des espèces… il faut le dire haut et fort, dans quelques années, il n’y aura plus d’oiseaux, plus d’insectes. Plus de printemps ni d’automne tempérés. Plus de pétrole… Les migrations de populations vont s’intensifier, les gens vont se déplacer pour simplement survivre. Et logiquement les conflits vont se démultiplier.
C’est toute la force du mot « effondrement », qui, depuis quelques années, provoque un déclic émotionnel de l’ordre de l’électrochoc. La nostalgie du temps passé n’a plus lieu d’être. La seule question à se poser, c’est : « On fait quoi après l’effondrement ? Car à quoi bon agir si l’on sait que la fin de la civilisation est inéluctable ? »
Les collapsologues entrent alors en scène. « Cool man, tout va bientôt s’effondrer… mais nul besoin de paniquer », nous disent-ils. OK, mais c’est quoi la collapsologie ? C’est une nouvelle science transdisciplinaire qui étudie le collapsus ou la chute de nos sociétés industrielles, ce moment où les besoins de base ne vont plus être satisfaits pour la majorité de la population. Cela devrait se produire au cours du XXIe siècle et selon certains dans pas très longtemps, d’ici les années 2020 ou 2030. En cause, l’épuisement des ressources, les dérèglements climatiques, la surpopulation…
Et ce qui était perçu comme un dogme indépassable se retrouve balayé. La compétition, la croissance, l’accélération, le toujours plus. John Steinbeck qui avait connu la Grande Dépression de 1929 aux États-Unis le disait déjà : « De tous les animaux, l’homme est le seul qui boit sans soif et mange sans avoir faim. » On y est, le néo-libéralisme vient d’atteindre un seuil où tout bascule et tout s’effondre.
Alors, on n’a pas le choix et c’est tant mieux. Il va falloir ralentir. Il nous faut construire quelque chose d’autre, remettre en question notre relation au monde. Et c’est tout le paradoxe de cet effondrement généralisé qui va nous permettre de vivre autrement. De développer « l’espoir actif », de retrouver de la lucidité. De faire remonter les émotions, pour sentir réellement le sens de la vie.