Les 53 minutes du Petit Prince
C’est pas cool pour le Petit Prince ! Le dernier super porte-conteneurs français a été baptisé du nom de son auteur, Le Saint-Exupéry !
On veut bien faire des efforts pour ré-enchanter le monde, mais redonner de la poésie sur les océans du globe avec des colosses d’acier : Le Bougainville, Le Marco Polo, Le Jules Verne… Aujourd’hui, il y a près de 5 000 de ces navires gigantesques qui transportent 16 millions de boîtes.
Les chiffres sont impressionnants. Le Saint-Exupéry, c’est 400 mètres de long et 59 mètres de large, soit le plus gros porte-conteneurs jamais construit par un armateur français, en l’occurrence CMA CGM. Il peut transporter jusqu’à 20 600 conteneurs. Si l’on prend la totalité de ces boîtes métalliques et qu’on les aligne, cela représente un ruban de… 123 kilomètres.
Ces monstres des mers sont loin d’être complètement écologiques, puisqu’en termes de pollution soufrée, les 15 plus gros navires voyageant sur les océans répandent plus de soufre que le milliard de voitures en circulation sur la planète !
Paradoxe : l’inauguration en grande pompe du Saint-Exupéry au Havre, en présence des ministres français de l’Économie et des Transports, a eu lieu la semaine où Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, a claqué la porte du gouvernement. Son commentaire : “Alors bien sûr que c’est une super performance technologique, comment le nier ! Mais est-ce bon pour la planète ? La réponse est non !”
Avec le néolibéralisme des années 1980, le conteneur est devenu le symbole de la mondialisation. Aujourd’hui, c’est 90 % des produits du quotidien occidental qui transitent par les mers…
L’invention du conteneur date du milieu du XXe siècle, mais c’est avec la guerre du Vietnam que sont utilisation va se généraliser. Avant, les marchandises étaient transportées en vrac… on chargeait, on déchargeait, c’était très long. Un bateau passait 50 % de son temps à quai. Aujourd’hui, il est en mer 90 % du temps. Le conteneur a changé le monde. On ne transporte plus des marchandises, on transporte des conteneurs. On gagne du temps.
Gagner du temps, le Petit Prince en parlait avec le marchand.
“Bonjour”, dit le petit prince. C’était un marchand de pilules perfectionnées qui apaisent la soif. On en avale une par semaine et l’on n’éprouve plus le besoin de boire.
“Pourquoi vends-tu ça ?” dit le petit prince.
“C’est une grosse économie de temps”, dit le marchand. “Les experts ont fait des calculs. On épargne cinquante-trois minutes par semaine.”
“Et que fait-on de cinquante-trois minute ?”
“On en fait ce que l’on veut...”
“Moi, dit le petit prince, si j’avais cinquante-trois minutes à dépenser, je marcherais doucement vers une fontaine...”