L’enfance sous surveillance
On a un garçon qui vient de quitter le primaire, le CM2, pour arriver au collège du quartier. Il était chez les grands et en l’espace d’un été, il est retombé chez les petits.
Et quand on l’attend à la sortie (ce qui est rare, car ça lui fout la honte devant ses copains !), on les voit, tous ces enfants qui se font encore plus petits, quand ils passent le grand porche, sous le regard des grands frères protecteurs.
Ce que l’on voit aussi, c’est qu’ils ont pratiquement tous des portables. Et l’on se dit que ce sont sûrement les parents qui l’ont souhaité. Pour une raison simple, ce n’est pas pour faire plaisir aux petits, mais plutôt pour savoir en permanence où ils sont. « Allô, oui, t’es où ? Comment ça, tu es déjà sorti de l’école ! Mais tu m’avais pas dit 16 h 30, aujourd’hui ? »
L’enfant pourrait connaître ses premières libertés, en quittant le primaire et en devenant autonome au collège, mais finalement non, les parents, pour des raisons sécuritaires, lui collent un portable.
C’est le cadeau idéal, le portable. Plutôt qu’un jeu vidéo ou un tee-shirt stylé, vous offrez à votre gosse une balise GPS qu’il va glisser dans son blouson. Au collège, dés qu’un élève s’absente ou est en retard, l’administration vous envoie immédiatement un SMS. Et là, ni une ni deux. Le parent appelle : « Allô, oui… pourquoi je viens de recevoir un texto comme quoi tu n’es pas à l’école ? Il y a un prof d’absent et tu es dans le métro ! Bon ça va… »
Une fois le portable dans la poche de l’enfant, le parent flippé n’a que l’embarras du choix pour lui coller des applications qui vont localiser, suivre, pister, tracer, moucharder le gosse. Weenect Kids, Footprints, Find My Kids…
En gros, on prépare nos enfants à devenir des êtres surveillés… en permanence. Une application comme TeenSafe (qui est le Graal de la surveillance) géolocalise l’enfant et détermine des zones géographiques interdites ou autorisées. L’application permet aussi de visualiser sa navigation internet. Les parents peuvent consulter les conversations que les petits ont avec leurs copains, les mails reçus et envoyés, la musique écoutée ou encore les vidéos visionnées.
Avant (on va jouer les vieux cons), l’enfant rentrait de l’école vers 17 heures, il prenait son goûter, et sortait jouer dehors avec ses copains. Aujourd’hui, les parents pensent que les enfants sont plus en sécurité à la maison. Et ils préfèrent les voir devant un écran d’ordinateur, à ne pas savoir ce qu’ils font ou sur quels sites ils naviguent, plutôt que de les imaginer dans la rue. « Non, mais là, tu rentres immédiatement, tu restes pas dehors… oui, tu pourras faire un peu d’ordi avant tes devoirs… »
Et comme pour tout système de surveillance, les enfants trouvent facilement des échappatoires. Et c’est la confiance qui se retrouve mise à mal. Ils trouvent des souterrains, des cachettes, des ruses, des déguisements. Une chose dont on est sûr et qui traverse le temps, c’est que les enfants ont beaucoup d’imagination.