Le retour des Treets
“Ça fond dans la bouche, pas dans la main.” On avait un vague souvenir d’avoir entendu cette pub à la fin des années 1970. Et puis plus rien. Un beau jour de 1986, on n’a plus trouvé de Treets dans les présentoirs. Sans trop savoir pourquoi.
Nés en 1955, les célèbres Treets, c’étaient trois composantes terriblement efficaces. Des cacahuètes enrobées de chocolat, un paquet jaune, et un slogan. À l’époque de leur disparition, on avait parlé du propriétaire de la marque, l’Américain Mars, qui ne souhaitait pas faire d’ombre à son produit phare M&M’s. Il avait donc enterré les Treets. Au point que l’an passé, il n’a pas renouvelé ses droits de propriété et la marque est tombée dans le domaine public.
Et là, ni une, ni deux, Lutti, le numéro 2 de la confiserie en France après Haribo, s’est engouffré dans la brèche pour racheter le nom et relancer les Treets en Europe. Trente ans après, tout est pareil : même logo, même produit, seul l’emballage est passé du jaune à l’orange, comme les TGV des années 1980. Une façon de s’éloigner du paquet de M&M’s et de ne pas être en concurrence frontale.
Changement d’époque. Le bonbon est devenu “responsable”, le paquet “recyclable” et le cacao, bien évidemment, issu du commerce équitable. Des mots qui sont devenus les mantras de notre temps.
Trente ans, c’est le temps nécessaire pour que la nostalgie joue à plein. Il faut que ça titille celui qui ado, volait un paquet au comptoir de la boulangerie. Car le consommateur visé est plus âgé que celui qui picore des M&M’s, plus âgé que la génération des écrans.
Lutti remet sur le marché un produit identique à un autre. Treets, c’est la même chose que M&M’s. Sauf que pour les nostalgiques, c’est pas du tout pareil. “Moi, le souvenir que j’en ai, c’est que les Treets, ils étaient plus gros. La cacahuète, oui, elle était plus grosse… et puis quand même, c’était pas le même goût, les Treets, ça sentait plus le chocolat.”
Les Treets, c’est le goût des années 1980 : Al Pacino dézinguant à tout va dans “Scarface”, le tube “Tainted Love” de Soft Cell, le goût du Chamonix orange ultra sucré, les premières disquettes souples 5,25 pouces de 360 ko… quand tu stockais l’équivalent d’un timbre poste sur ton PC, le Walkman de Sony… quand t’écoutais “Purple Rain” de Prince… en mangeant des Treets.
C’est un peu comme si l’on avait retrouvé les moules de fabrication des Treets et que l’on relançait la chaîne de production. “Allez les p’tits gars, on va s’y remettre, on va les sortir ces putains de bonbons que la génération smartphone n’a jamais fait fondre dans sa bouche. Et si vous bossez bien, avant le déjeuner, promis, vous aurez droit à un verre de Tang !”