Le jour du dépassement
“Si le monde entier vivait comme les Français, l’humanité commencerait à creuser son déficit écologique, dès le 5 mai.” Nous avons consommé, en quatre mois, autant de ressources que la planète peut en fournir en une année.
Le problème, c’est qu’en France, on n’a pas l’impression de vivre comme des porcs qui s’engraisseraient au volant de gros 4x4, en mangeant des burgers… Et pourtant le constat est sans appel. “Hé mec ! oui, toi le Français qui donne des leçons à la Terre entière, tu viens de franchir la ligne jaune, le ‘jour du dépassement’ ”.
“Déjà l’an passé, on t’avait tiré l’oreille dès le 2 août, en te disant de faire gaffe. Mais t’as la tête ailleurs. Tu te souviens Chirac, en septembre 2002, au IVe Sommet de la Terre à Johannesburg, en Afrique du Sud. Grandiose, magistral le grand Jacques : ‘Notre maison brûle et nous regardons ailleurs.’ ”
À l’époque on entrait en déficit le 1er novembre. C’était il y a seize ans. Et depuis, on n’a pas avancé d’un poil, ou plutôt si, on avance dans le mur. Mais comment il faut le dire ? On n’a qu’une planète. Pas trois.
L’indicateur du jour du dépassement fait de la France l’un des dix pays les plus “endettés”. On ne va même pas parler des Américains, qui ont mordu la ligne, le 14 mars. Le champion toutes catégories, c’est le Qatar : le 9 février. Au bout d’un mois, ils ont tout bouffé !
Alors que c’est pourtant pas compliqué, c’est pas hors de portée. Ça repose principalement sur trois domaines. Plus des deux tiers de l’empreinte écologique d’un citoyen provient de son logement, de son alimentation et de ses déplacements.
Le logement, il faut qu’on fasse gaffe, qu’on isole mieux nos intérieurs. Qu’on baisse la température des apparts de un degré. La bouffe, là, faut vraiment se calmer sur le steak. Moins de viande mais de meilleure qualité. Et manger plus de produits végétaux issus d’une agriculture responsable. Enfin, laisser la voiture au parking, passer au vélo ou à la marche à pied. Utiliser les transports en commun, et pédaler tranquille.
Pourquoi on a ce flip de manquer, ce besoin permanent du trop ? C’était il y a six siècles, en 1516, et l’homme politique anglais Thomas More inventait un modèle de société, l’Utopie. “Pourquoi celui qui a la certitude de ne jamais manquer de rien chercherait-il à posséder plus qu’il ne lui faut ?”
Et l’auteur humaniste, d’esquisser une réponse : “Chez l’homme, il existe une autre cause d’avarice, l’orgueil, qui le porte à surpasser ses égaux en opulence et à les éblouir par l’étalage d’un riche superflu.” On en est là, effectivement !