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La contagion des émotions

Clic/clic/like/cœur/cœur/like… Combien de fois dans la journée cliquons-nous sur ce petit bouton, ce pouce bleu ou ce cœur ? « Les maux de la société viennent des réseaux sociaux et de la dictature des likes ! » C’est ce que l’on entend, depuis quelque temps, au point que certains militent pour que l’on retire les likes des applications.

Le verbe “to like”, qui est employé en anglais pour exprimer le goût, le sentiment que l’on porte à quelque chose ou à quelqu’un, est passé, au début du XXIe siècle et sous l’influence des réseaux sociaux, à l’affirmation d’un choix de consommateur. Mais on oublie un peu vite que de tout temps, les instances de pouvoir ont recherché les applaudissements. Car au bout du compte, les likes ne sont ni plus ni moins que des applaudissements virtuels.

Dans la culture occidentale, l’applaudissement est apparu au théâtre durant l’Antiquité. La convention voulait qu’à la fin de la représentation, l’acteur jouant le rôle principal lançait : « Valete et plaudite ! » (« Portez-vous bien et applaudissez ! »).

À la même époque, à Rome, théâtre et politique ont commencé à se confondre. Et les responsables politiques ont vite compris que les applaudissements leur donnaient la possibilité de communiquer directement avec les citoyens. L’empereur Néron était en permanence accompagné de 5 000 personnes payées pour applaudir au bon moment, durant ses discours.

Et puis au XIXe siècle, les choses se sont précisées. Dans les salles de spectacles, on trouvait des rieurs… qui s’esclaffaient plus que de raison quand il s’agissait de comédie, des pleureuses, principalement des femmes, qui déversaient des litres de larmes pendant les drames. Et des “bisseurs” qui, sitôt le spectacle terminé, réclamaient avec entrain des bis. Tout une organisation culturelle que décrypte très bien le dernier film de Xavier Giannoli « Illusions perdues », d’après le roman de Balzac.

Peu de temps après l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, on a reparlé du phénomène. Après un discours enflammé au siège de CIA, on a appris que le président avait recruté près de cinquante personnes pour l’applaudir et entraîner toute la salle dans une standing ovation.

Aujourd’hui, les marques achètent des likes à des sociétés souvent installées en Asie qui en produisent à la demande (des “fermes à clic”), incitant ainsi les internautes à s’intéresser de près à tel ou tel produit. Instagram ou Twitter ne font donc que recycler un phénomène perçu depuis longtemps : la contagion des émotions. C’est tout simple, mais les applaudissements influencent les foules.