Grosse illusion, grosse perte, grosse dépression
La première fois que l’on a vu la publicité, on n’a pas bien compris. Sans doute, on ne faisait pas partie du public ciblé par « Tout pour la daronne ». Et pourtant, on ne peut pas dire que l’on a été pris par surprise.
À chaque match de l’Euro 2020, c’est une cascade de spots de pub pour les paris sportifs qui s’enchaînent, jusqu’à l’indigestion. Sans compter, dans les couloirs du métro, les nombreuses affiches pour les mêmes Winamax, Unibet, ou autre Betclic. La signature Winamax claque comme une punch line, « Grosse cote, gros gain, gros respect ».
Avec toujours les mêmes codes repérables à la première seconde : ambiance rap, couloirs d’immeubles tagués et mal éclairés, intérieurs avec un canapé défoncé à force de mater les écrans à longueur de journée. Mais également pizza quatre fromages, kebab et Coca, et la compagnie d’un pote, faire-valoir du parieur.
Il faudrait être aveugle pour ne pas identifier clairement la cible : le jeune de banlieue issu des minorités, qui sur un pari, accède à la richesse et au respect de tout son quartier.
La campagne « Tout pour la daronne », de Winamax, est un modèle du genre. Fin de soirée foot chez un jeune qui raccompagne sa mère dans le couloir. Et là, banco, il comprend qu’il vient de décrocher le jackpot. « Paris gagné » s’affiche sur l’écran de son smartphone.
La porte de l’ascenseur s’ouvre et sa mère se retrouve propulsée, telle une fusée qui traverse tout l’immeuble, jusqu’à s’encastrer dans la cabine Première classe d’un avion, vers une destination paradisiaque. Gros gain, gros ascenseur social, grosse reconnaissance du fils à l’égard de sa mère à laquelle il doit tout. « Tout pour la Daronne » !
Sauf que dans la vraie vie, ça se passe rarement comme ça. Selon l’Observatoire des Jeux en France, 70 % des parieurs sont des hommes de moins de 34 ans. Et deux tiers des mises seraient pariés par des joueurs appartenant à des milieux sociaux modestes, ayant un niveau d’éducation et des revenus inférieurs aux addicts des autres jeux.
Les ravages sont considérables. Car tout le monde l’a bien compris, derrière tout ça le but n’est pas de donner de l’argent, mais d’en prendre. Avec des dégâts collatéraux pour des jeunes convaincus que le jeu les sortira d’un milieu où ils cumulent les obstacles.
Contrairement à d’autres pays européens où les paris sportifs étrangers sont interdits, tout est autorisé en France depuis 2010. Grosse illusion, grosse perte, grosse dépression.
Citation de mon daron : « Les jeux d’argent ? La meilleure façon de gagner, c’est de ne pas y jouer ! » Gros Respect.