De l’art de la nuance
Est-ce l’approche du premier tour de l’élection présidentielle ? Est-ce le fait que certains pointent du doigt l’absolue nécessité de la nuance ? Dans tous les cas, il y a une prise de conscience, la nuance est d‘évidence vitale à notre vie en société, au vivre ensemble.
« Prenons un exemple, là, vous voyez ce mur, parlons de sa couleur… il est vert n’est-ce pas ! Ou bien, c’est une teinte bleutée, mais réchauffée par une pointe de jaune qui fait vibrer la surface. Suivant le moment de la journée et la lumière, on peut ressentir des variations, des dégradés même, du turquoise aux verts indéfinis. »
Accepter la nuance, c’est accepter que les choses ne soient pas définitives. Peut-être même accepter de ne pas savoir. Pourquoi c’est difficile de dire « Je ne sais pas ? »
Une conversation sans nuance donne toujours l’impression d’avoir raison, le sentiment de ne pas douter. Car la nuance a bien évidemment à voir avec le doute, l’incertitude, la prudence. Le paradoxe, aujourd’hui, c’est qu’un propos nuancé semble se fragiliser par la forme qu’il prend. « Ce type-là, on ne sait pas ce qu’il pense, il n’est pas clair. Il n’inspire pas confiance. »
Et si finalement, tout cela était lié à une crise du langage ? L’invective publicitaire est devenue la norme. “Buvez, éliminez” “Just do it !” “Parce que je le vaux bien” “What Else”.
Clamer un slogan et réfléchir, ce sont deux choses bien différentes, ce n’est pas la même temporalité. Sauf que l’on voit bien que nos conversations sont impactées par les formules, les éléments de langage, les punchlines.
Des phrases courtes, binaires, des tweets de 140 signes, qui abîment le langage par l’absence de nuance et d’argumentation.
Sur les réseaux sociaux, la radicalisation est extrêmement rapide. Tellement, qu’elle occasionne perte de contrôle et débordement. Il faut s’indigner, encore et toujours plus fort, clasher pour exister. La surenchère verbale est la meilleure garantie que vos quelques mots circulent rapidement, qu’ils soient likés, retweetés, diffusés.
La nuance, donc une certaine “tiédeur”, ne peut que vous faire disparaître, voire non-exister.
Pourtant, quand vous êtes face à quelqu’un, souvent naturellement, la nuance revient. Malgré tous les algorithmes possibles, nous restons des animaux sociaux, nous avons besoin de rencontres pour discuter, pour apprendre, mais aussi pour ne pas être d’accord et débattre. La rencontre “en vrai” comme lien social et la nuance comme accélérateur ! Beau programme non ?