Dans le train de nuit…
On avait cru que c’en était terminé, bouclé, dépassé… « Non, mais Monsieur ! Vous imaginez voyager en train de nuit ! Et pourquoi pas en calèche ? Il faut vivre avec son temps, à grande vitesse. » Et c’est à l’occasion de l’interview du président de la République pour le 14 juillet, que le sujet est revenu sur le devant de la scène. « Je souhaite redynamiser la circulation des trains de nuit en France. »
Retour en arrière. Un autre siècle, une autre temporalité et d’autres budgets. Une époque d’avant le TGV. En 1981, on avait 20 ans, on avait voté pour la première fois à la présidentielle et l’on s’apprêtait à partir en vacances. À cette époque, plus de 550 villes françaises étaient desservies par un train de nuit. Un réseau national comme une toile d’araignée. En voyageant de nuit, on économisait des chambres d’hôtel… tout en traversant la France. Quarante ans plus tard, il ne reste que deux lignes. Un Paris Rodez Latour-de-Carol et un Paris Briançon. Terrible constat…
On était parti rejoindre des copains à Pau. 22 heures en gare d’Austerlitz, et la première surprise, c’était la population. Très différente de celle de la journée. La nuit, ce sont plutôt des familles, généralement modestes. On embarque et l’on se retrouve dans un compartiment à six couchettes (quatre en première classe). À occuper la couchette du bas, plus confortable parce qu’on n’est pas dérangé par les mouvements de gens qui se lèvent. Moins de vibration que la couchette du haut. Par précaution, on avait emmené un pyjama et un sac à viande, car d’expérience, on dort mal dans le train. Les habitués ont leur coussin.
Le train part vers 23 heures et avance lentement. Minuit passé, sur la banquette au-dessus, la lumière d’une liseuse brille à peine sur le visage d’une fille de notre âge, on n’arrivera pas à lui parler. Le bruit des rails, les freins quand on arrive dans une gare sans savoir si c’est un arrêt. Les heures défilent, on n’est pas sûr de dormir. Pourtant, Pau n’est qu’à une heure de Paris : « Une demi-heure pour s’endormir et une demi-heure pour se réveiller. »
La chaleur souvent étouffante, des odeurs par vagues. Un mélange de poussière, de rance, adouci par le parfum des passagers. Vers 5 heures, on constate que l’on ne roule plus, arrêté en pleine voie, le jour se lève à peine. On ouvre la porte du compartiment pour aller se laver les dents. Dans le couloir, un homme est accoudé à la barre de la fenêtre. Il n’est pas habillé, en slip, torse nu. Les relations avec les gens sont plus posées, car ils sont moins stressés que dans la journée.
On se tient à quelques mètres de lui, regardant le paysage. « Bonjour… je n’arrive pas à dormir. » « Moi, je ne dors jamais trop dans le train, je passe presque tout le voyage debout… mais vous voyez, j’aime ça… On part le soir de Paris, on arrive dans les Pyrénées au petit matin. Il y a un côté un peu enfantin du voyage. Dans deux heures, je vais descendre du train. En sortant de la gare de Tarbes, je m’arrête à la boulangerie pour acheter des croissants. J’arrive vers huit heures pour prendre un petit-déjeuner avec mon garçon de huit ans. J’adore ce moment-là. »