Créer avec l’IA et sans droits d’auteur ?
En décembre dernier, un visuel de couverture a pris de court le monde de l’édition.
“Data démocratie”, chez Diateino, est le premier livre français dont le visuel a été réalisé par Dall-E 2, un générateur d’images par intelligence artificielle accessible au grand public. Accessible avec d’autant plus de facilité qu’il ne demande pas de connaissances graphiques particulières. Il suffit de taper quelques mots dans le navigateur.
On vit aujourd’hui, sous une autre forme, ce que les peintres portraitistes du XIXe siècle ont connu avec l’arrivée de la photographie. Du jour au lendemain, leur métier a complètement été remis en cause par l’image argentique. Au XXIe siècle, tant que l’image créée numériquement était grossière et demandait des heures de travail, personne ne s’en inquiétait. Sauf qu’en quelques mois, tout a basculé et beaucoup paniquent en découvrant les résultats.
Les illustrateurs, mais aussi les étudiants d’écoles d’art se posent la question de la finalité de leurs études. “À quoi allons-nous servir si n’importe qui peut générer des visuels de grande qualité ?” En effet, il est quasi impossible de faire la différence entre une image issue de l’IA et une image “traditionnelle”. Tous les domaines créatifs sont concernés. Photographie, illustration, communication visuelle, arts vivants, doublage, rien n’échappera au développement des IA.
Quant aux droits d’auteur, vaste question. Les IA puisent sans retenue dans des milliards d’images existantes, sans autorisation, sans droits versés. Chaque visuel produit est un assemblage de fragments d’images existantes, donc d’images originales. Dès lors qu’un auteur reconnaît un morceau de son travail dans un visuel généré par une IA, est-il en droit de demander à se faire rémunérer ? Un auteur peut-il refuser de faire partie de la vaste base de données LIAON-5B qui regroupe près de 6 milliards d’images ? Rien n’est moins sûr.
Dans tous les cas, au sein de ces structures développant les IA, personne ne s’est soucié du pillage en règle du travail des auteurs.
Un artiste canadien a commencé à retourner le schéma. Eric Bourdages a généré des images inspirées de Disney à l’aide de Midjourney. Il a ensuite encouragé ses abonnés à créer et à vendre des tee-shirts, des mugs… en utilisant ces images.
- « Légalement, il ne devrait y avoir aucun recours de Disney, car selon les modèles d’IA TOS, ces images transcendent le droit d’auteur, puisqu’elles ont été générées par IA ».
Et Bourdages a continué avec d’autres personnages populaires de films, de jeux vidéo et de bandes dessinées… Dark Vador, Spider-Man, Batman, Mario ou Pikachu.
- « Je suis sûr que cela ne dérangera pas Nintendo, Marvel et DC, l’IA n’a rien volé pour créer ces images, puisqu’elles sont 100 % originales » explique-t-il avec ironie.
Deux jours seulement après avoir partagé ses “créations”, l’artiste précisait sur Twitter qu’on lui avait brutalement retiré son accès à Midjourney.
Comme quoi, tout le monde a bien compris le problème …
PausebyNoise • Édition & Illustration : Noise – Textes : François Chevret – Voix : Diane Valsonne