Ça dépasse les bornes
On a tous en tête la même image. Un jeune homme, à vélo avec un sac bleu vert dans le dos. Précisons l’image. Ce garçon peut même être en scooter, pour transporter son sac isotherme Deliveroo ou Uber Eats. Il faut dire que depuis les confinements, la livraison à domicile a explosé.
C’est l’exemple type de ce que l’on appelle l’économie de plateforme. « Je peux tout faire avec mon smartphone : travailler, acheter des vêtements, ou commander un repas et me faire livrer chez moi, via une application de service. »
Pour Deliveroo France, tout commence vraiment en 2015, avec 1 000 restaurants et la livraison à domicile. Le principe est simple, le restaurateur consent à verser une commission à la plateforme, et de son côté, le client paie un peu plus pour se faire livrer au pied de sa porte. Entre les deux, un coursier qui va vite devenir la variable d’ajustement, quand la concurrence des plateformes va monter en puissance. Et l’on oublie souvent un détail, « derrière le risotto de champignon livré à domicile, il y a un mec pour qui la vie est difficile. »
Car rapidement, les coursiers vont voir leur commission fondre comme neige au soleil. En quelques années, de 7 €, elle va chuter à moins de 3 €, fin juillet 2019. Aujourd’hui, les livreurs se battent pour obtenir un minimum de 5 €.
Pour s’en sortir, il leur faut multiplier les courses aux heures de pointe. Les vélos sont de plus en plus mis de côté au profit du scooter. Et l’on sous-traite de plus en plus. Quand le système ressemble à la jungle, ce sont les plus vulnérables que l’on va chercher. Des sans-papiers qui n’ont pas trop le choix et à qui on sous-loue un compte Deliveroo.
Aujourd’hui, la grande inconnue, c’est la sortie du troisième confinement : avec la réouverture des restaurants, le nombre des commandes livrées à domicile va-t-il chuter ? Combien de coursiers risquent de se retrouver sur la paille ? Pétitions, grèves : les livreurs demandent déjà, depuis un certain temps, à ce que leur statut de travailleur indépendant soit requalifié en contrat de salarié.
Sous ses faux airs de liberté, la net économie a de plus en plus d’impact négatif pour ses petites mains qui rendent nos vies plus confortables. « Le patron, tu ne l’as pas sur le dos comme dans les boîtes de l’ancien monde, mais tu l’as dans ta poche : c’est ton portable ! La plateforme sait tout de nous, notre trajet, notre vitesse de livraison, par où l’on passe, la notation du client, tout ! »
On estime qu’en 2025, plus d’un demi-milliard d’individus sur la planète vivront de tâches issues de plateformes en ligne. Au nom de la modernité, le patron a été remplacé par un algorithme. Bienvenue dans le nouveau monde !