Baskets suspendues
Dans la rue, tu lèves la tête et à chaque fois, tu te poses la même question : « Mais c’est quoi, ces paires de baskets accrochées aux fils électriques ou téléphoniques ? »
Le phénomène est apparu aux États-Unis vers l’an 2000, avant qu’il n’arrive dix ans plus tard en Europe, d’abord en Allemagne puis en Espagne. Depuis, on parle de “shoe tossing” ou “shoefiti”.
« T’as pas compris ? C’est pour délimiter une zone de deal ou encore une “crack house” dans un quartier ! » Il y aurait même des codes couleurs en fonction des coloris des chaussures qui pendent. Des chaussures qui signaleraient une boutique de crack ? Tout ça paraît hasardeux. En fin de compte, il y a autant d’explications que de chaussures suspendues. Certaines… très saugrenues.
« C’est comme un rite de passage, la fin d’un cycle d’études. Ou, par exemple, quand une fille a perdu sa virginité, elle lance ses chaussures en l’air. »
« T’as un mec qui vient de se faire agresser en pleine nuit et on lui enlève ses chaussures pour qu’il ne puisse pas courir. »
À Los Angeles, d’après la légende, les chaussures sont tachées de sang et appartiennent à des membres de gangs décédés dont on a voulu honorer la mémoire.
Encore une autre piste : des skaters viennent d’acheter une nouvelle paire de sneakers. Alors, comme un trophée, ils lancent en l’air leurs vieilles pompes bien usées, après avoir attaché les lacets entre eux.
Et pourquoi pas des performances artistiques, une forme de street art ? En 2010, le documentaire australien « The Mystery of Flying Kicks » s’est intéressé à cette énigme, sans vraiment la résoudre.
À ce stade d’interrogation, on pencherait pour l’idée de marquage. Comme un tag, un graffiti. Plutôt que de bomber ta signature sur un mur, tu récupères des baskets pour marquer ton territoire. Genre “j’étais ici”. Certains laissent un mot sur la semelle. On a tous fait ça, enfant, quand tu lances un chewing-gum au plafond en espérant qu’il se colle. Eh bien, c’est pareil.
C’est peut-être Tim Burton et son film « Big Fish », en 2003, qui nous a donné une explication poétique. C’est l’histoire d’un village où tout le monde était pieds nus, car les habitants avaient lancé leurs souliers sur les fameux fils électriques. Plus besoin de chaussures, puisqu’ils avaient trouvé le lieu où ils souhaitaient vivre. Ils désiraient ainsi abandonner leur vie passée pour en construire une nouvelle… sans avoir besoin d’être chaussés.