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56, rue du Faubourg Poissonnière - 75010 Paris
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Osso bucco !

« — Tu cours toujours le mardi matin aux Buttes-Chaumont, avant de venir à l’agence ? » Depuis cet automne, Régis paraît en belle forme quand il arrive pour sa journée de travail. Apaisé et calme dans ses mouvements.

« — C’est devenu un repère dans ma semaine, je pars de chez moi vers 7 h 40… Une heure de footing tranquille aux Buttes-Chaumont et je reviens prendre une douche.

Et hier matin, en passant près du lac, là où il y a un gros micocoulier, j’ai croisé un groupe d’adultes. Je n’ai pas vu de femmes, mais des hommes de 40 ans, peut-être même 50 ans. Ils étaient tous rassemblés autour d’un homme portant une grosse écharpe en laine et coiffé d’une toque de fourrure. On entendait un bruit sourd, ils parlaient tous en même temps sans que l’on puisse distinguer quelque chose.

Et puis 20 minutes plus tard, quand je suis repassé par le bas du jardin, j’ai de nouveau repéré le groupe. Je me suis dit que j’allais marcher, souffler. Les hommes étaient encore plus près du chef à fourrure. Je me suis fais discret, genre sportif qui intériorise l’effort, et arrivé à trois, quatre mètres, comme un cri poussé, j’ai entendu “Osso bucco” suivi d’un grand “Oooohhhhhhh !” Qu’est-ce que ça voulait dire ?

J’ai repris ma foulée sans me retourner. Et puis au tour suivant, plus personne, plus de groupe, plus de chef à fourrure. Une mère avec une poussette jaune sous le micocoulier parlait au téléphone.

Ce matin, détendu par une heure de course, je retombe sur le groupe. Et là, je me dis que ce n’est pas un hasard… Groupuscule énergétique sur un point cosmo-tellurique, secte complotiste italienne, illuminatis découvrant le symbolisme végétal, francs-maçons vénérant le Grand Architecte de l’Univers ?

Je décide d’adopter la même tactique que la veille. Arrivé près du lac, je commence à marcher, à respirer en rythme avec une approche discrète. Le chef à fourrure a les yeux révulsés, je continue à marcher, quand soudain, un mot jaillit du groupe… “Coq au vin !” Brouhaha, Oooohhhhhhh, aaaahhhh… et puis plus rien. Plus rien.

Et là, je ne sais pas ce qui m’a pris. J’ai crié de tout mon souffle : “kebab !” Oui, j’ai hurlé kebab ! Ils m’ont regardé, hagards et sont restés sans voix. Le chef à fourrure est sorti du groupe et a jeté quelque chose par terre : sa toque. Et j’ai repris ma course sans me retourner.

— Et la mère avec la poussette, je suis sûr qu’elle savait la mère… tu ne lui as rien demandé ? Coq au vin, quand même, c’est un signe, non ? »