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Du coup, c'est clair !

On ne l’a pas vu venir, mais rapidement, c’est devenu insupportable, comme un pivert qui te frappe le crâne. “Du coup” et là, du coup, du coup… ça a pris une place considérable.

Alors bien sûr que les tics de langage, cela a toujours existé, mais qu’est-ce qui s’est passé pour qu’aujourd’hui, au bureau, aux terrasses de café, à la radio ou à la télévision, cela prenne autant de place dans les discussions ?

On sent bien que ça agit pour retenir l’attention de l’autre… pour qu’il n’y ait pas de décrochage. On est tellement flippé à l’idée que l’autre ne soit pas attentif, qu’on n’arrête pas de l’attraper à coup de tics. “En fait, j’attendais Régis, et là tu vois, il était en retard. Du coup, j’ai encore attendu et du coup quand il est arrivé, t’as vu, j’étais en colère… voilà, c’est clair non ?”

C’est comme si on était en train d’expliquer un truc complexe et qu’il fallait articuler tout ça comme un prof de physique devant un tableau noir. Sauf que souvent, ce qu’on raconte est d’une banalité sans nom. Ça prend les apparences d’une articulation logique, sauf que souvent, il manque le deuxième élément.

“Du coup, j’avais faim, j’ai pris une banane, et là du coup, j’avais plus faim.” On structure la phrase qui devient tellement tendue du string, que le discours se retrouve saturé par la répétition. On en arrive à ne plus entendre que ça… le pivert qui frappe à coup de “du coup” !

Le truc, c’est que c’est vite contagieux. Et plus on remarque ces petits mots, plus on se chope le virus, et l’on se met à en mettre partout. La semaine passée, on participait à un jury et on fait remarquer avec diplomatie, à un étudiant que le “du coup” est vraiment trop fréquent dans sa démonstration orale, que cela en devient irritant, au point que l’on ne perçoit plus ce qu’il veut dire.

À la fin de la présentation, un membre du jury se penche vers nous : “Tu sais quoi ? J’ai compté pour être sûr, tu as dit quinze fois ‘C’est important !’ donc, fais gaffe, on est tous contaminés par les tics de langage. Et puis, tu sais, faut pas juger, on n’a pas le même âge… il y a comme un truc d’appartenanance derrière tout ça. Tu dis ‘du coup’, parce que tu l’as repéré chez les autres. C’est comme une façon de faire partie d’un groupe… le groupe des ‘Du coup’ !”

À la grande époque de “France Soir”, Pierre Lazareff, le directeur de la rédaction, avait punaisé sur le mur de son bureau cet avertissement : “Une phrase, c’est un sujet, un verbe, un complément. Pour les adjectifs, me prévenir. Au premier adverbe, vous êtes viré !” Un poil excessif, le Pierrot, mais c’est ce qu’il avait trouvé de mieux pour informer au plus juste, sans débordement d’effets de langage. Pour informer clairement. Du coup, c’est clair.