[javascript protected email address] 01 82 73 14 81
56, rue du Faubourg Poissonnière - 75010 Paris
[javascript protected email address] 01 82 73 14 81 56, rue du Faubourg Poissonnière - 75010 Paris

Langue de bois

Cela vient d’un tweet de Sciences Po Lille. C’est un tableau tiré d’un ouvrage intitulé : “Langage et pouvoir en interaction”. Titre du tableau : “Le parler creux sans peine”.

En l’on se dit, bluffé, que le discours vide, ça se travaille visiblement avec méthode. Une forme de cadavre exquis surréaliste, sauf que là, ce n’est pas pour agrémenter les soirées entre potes, c’est juste pour embrumer les sceptiques et les médias.

C’est très efficace : sujet/verbe/complément d'objet/adjectif/complément du nom. On choisit un mot dans une colonne et on l'associe aux autres sur la même ligne ou sur des lignes différentes. Toutes les combinaisons sont possibles. Ça permet de parler en boucle, tout en donnant le sentiment d’être un expert avec une vision sur à peu près tous les problèmes du monde moderne.

On prend un exemple que l’on pioche dans le tableau, au hasard : “L’expérimentation clarifie les indicateurs systémiques du projet”. Ah oui, quand même ! Là, en général, quand dans une réunion, un orateur commence comme ça, on se dit : “Waouh… il va falloir faire profil bas, car on est tombé sur une pointure, qui a une vision à au moins vingt ans.”

Avec le recul, c’était à quelques mots près le type de préconisations que pouvait faire Jacques Attali, missionné par Nicolas Sarkozy pour présider la Commission pour la libération de la croissance. En gros un avis sur tout et qui surfe sur une vague de concepts flous.

Jacques Attali comprenait le passé, décryptait le présent et projetait le futur pour les cinquante années à venir. On avait découvert Attali avec les septennats de Mitterrand. Intellectuel brillant qui sortait des livres sur tous les domaines.

A l’époque, la grosse blague qui circulait dans les ministères c’était : “On sait qu’Attali bosse dans son bureau au bruit de la photocopieuse qui n’arrête pas de tourner.” C’est vrai qu’il faisait beaucoup d’emprunt à l’époque. Il pratiquait en virtuose et sans filet le copier/coller.

Aujourd’hui, c’est plus simple, on ne plagie plus les idées puisque l’on associe des concepts vides. Des éléments de langage que l’on colle les uns derrière les autres. On ne résiste pas au plaisir d’en refaire un. On est dans une réunion, et l’homme à la parka bleue pose une question assez terre à terre : “Et pour ce qui est de la recherche universitaire en France dans les dix années à venir ?” Réponse tableau : “Monsieur, croyez en mon expérience… on a longuement travaillé ce dossier, le management stimule les paramètres stratégiques des bénéficiaires, il faut s’y tenir !”

On en arriverait presque à verser une larme, tellement ça paraît plausible. Et de se dire que c’est à longueur de journée, que l’on entend ce genre de logorrhée. Et en face, certains journalistes, nourris au même verbiage jargonneux, de relancer par des : “Oui, bien sûr !”